Éditorial de la Lettre de l'École n°11, mars 2007
Depuis plusieurs mois, les établissements universitaires de l'Île-de-France sont dans l'attente de l'issue des négociations touchant au Contrat de projet entre l'État et la Région pour les années 2007-2013. Attente bien compréhensible puisqu'en dépend, presque complètement, le sort des projets que tous forment pour échapper aux conditions de logement désastreuses dont ils souffrent. L'École était particulièrement concernée, puisque l'espoir de voir aboutir le projet de reconfiguration scientifique et immobilière auquel nous travaillons depuis un an était largement suspendu au sort du CPER. Celui-ci n'est pas encore signé formellement, mais nous avons désormais l'assurance ferme de l'engagement de la Région – à hauteur de 40 millions d'euros - dans la construction d'une nouvelle implantation de l'École sur le site Paris-Nord (établi à la Porte de la Chapelle, de part et d'autre du boulevard périphérique), espace d'un vaste développement annoncé des constructions dédiées à l'enseignement supérieur et à la recherche en Île-de-France. Certes, toutes les incertitudes ne sont pas levées, en particulier quant à la modalité que prendra la participation de l'État dans cette entreprise. Mais nous pouvons, à l'issue favorable de cette première étape, éprouver un vif sentiment de satisfaction et de soulagement. Satisfaction, car on sait qu'il est pratiquement impossible d'engager un projet immobilier d'aussi grande ampleur en dehors d'une programmation financière inscrite au CPER ; soulagement aussi, puisqu'une issue se dessine, sachant que le désamiantage du 54 bd Raspail nous obligera, à court ou moyen terme, à libérer entièrement le bâtiment. Dans la meilleure des hypothèses, nous pouvons espérer que l'emménagement de l'École dans le Nord de Paris coïncidera avec notre retrait du 54 et nous épargnera les affres d'une installation provisoire dans des "locaux tampons" plus ou moins adaptés à nos besoins.
Mais l'enjeu d'une nouvelle implantation de l'École au Nord de Paris dépasse de beaucoup, nous le savons tous, ces aspects pratiques. Le remembrement immobilier est une condition nécessaire de la réaffirmation du projet propre de l'École au cœur des grands bouleversements qui atteignent le paysage de la recherche et de l'enseignement supérieur dans la région et en France. Le projet n'est pas celui d'une délocalisation, mais plutôt celui d'une réarticulation de l'établissement entre deux pôles majeurs – le site Raspail et le site Paris-Nord – auquel il faut ajouter, en prolongeant cet axe vers le sud, le campus Jourdan, sur lequel l'École a concentré des forces de recherche et d'enseignement importantes, au Centre Maurice Halbwachs et à l'École d'Économie de Paris. Sous quelle forme allons-nous opérer cette articulation, qui doit être pensée comme une reconfiguration scientifique de notre École ? L'hypothèse de travail que nous allons mettre en discussion parmi nous est d'inscrire spatialement – en chacune des deux implantations majeures – les différentes dimensions du projet même de l'École. L'EHESS est une puissante concentration de centres de recherche. Ceux-ci soutiennent un dispositif d'enseignement dont nous souhaitons qu'il s'impose, au plus vite, comme une grande école doctorale et post-doctorale européenne et internationale. Le site Paris-Nord devra être la maison mère du potentiel de recherche et d'encadrement doctoral de l'EHESS. Mais l'École est plus qu'un établissement qui doit figurer dans le peloton de tête des nouvelles structures doctorales en train de voir le jour. Elle est aussi un lieu qui doit mettre en valeur la pluralité des métiers savants et donner à voir les avancées les plus innovatrices de la recherche en sciences sociales. Ce fut, dans un passé où l'École se présentait comme une institution hors les murs, la fonction de son "affiche". Faire du site Raspail le lieu d'inscription d'une "affiche de l'École", offrant un programme de séminaires de recherche, de journées d'études et de colloques, décidé en commun et renouvelé d'année en année : ce pourrait être une façon prometteuse de réinventer notre tradition intellectuelle, et d'activer cette dynamique collective singulière dont nous voulons qu'elle infuse, en retour, l'ensemble de nos activités de recherche et d'enseignement. La discussion de ce projet et la réflexion concrète sur les conditions de sa mise en œuvre sont à l'agenda des réunions qui vont vous être prochainement annoncées. Ce travail d'invention collective n'est pas moins nécessaire que la poursuite opiniâtre des démarches institutionnelles qui restent à conduire pour stabiliser définitivement l'avenir immobilier de l'École et pour rechercher – troisième urgence - les meilleures garanties de pouvoir accueillir, sur l'un ou l'autre de nos futurs sites, une bibliothèque dont nous avons tous besoin.
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