Pluralité des langues et recherche en sciences humaines et sociales

Villa Vigoni, Loveno di Menaggio  -  Via Giulio Vigoni, 1  -  22017 Loveno di Menaggio (CO), Italia
Fondation Maison des sciences de l’homme
Centre Georg Simmel (EHESS/CNRS)
Villa Vigoni – Centro Italo-Tedesco per l'eccellenza Europea

Villa Vigoni, Loveno di Menaggio, 12-14 octobre 2015

La pluralité des langues historiques est-elle un frein ou, au contraire, un facteur positif pour le développement des sciences humaines et sociales, pour la recherche elle-même, pour l’enseignement et pour la création ou le renforcement d’une communauté scientifique internationale ? La question est souvent posée. Mais elle l’est généralement à partir d’un constat, que l’on accepte favorablement ou que l’on voudrait combattre, celui de la pré-dominance d’une lingua franca mondiale dans les échanges scientifiques, à savoir de l’anglais, ou plutôt d’un anglais banalisé, international, qui a peu à voir avec la langue par-lée et écrite dans les pays de culture anglophone. Au lieu de se concentrer sur cette ques-tion très souvent débattue, le Workshop, plus fondamentalement et plus simplement, vou-drait être l’occasion d’un examen concret, collectif et ouvert du rôle que joue effectivement la différence des langues dans le travail, l’enseignement et la communication scientifiques.

Il s’agira de partir de l’expérience, de ce qui a lieu réellement, de ce que l’on fait quand on est chercheur avec cette donnée incontournable : nous ne pensons pas, ne parlons pas et n’écrivons pas tous dans la même langue quand nous travaillons. À chacune des langues nationales est liée une culture scientifique particulière. Mais, simultanément, nous sommes sans cesse confrontés à d’autres langues, que ce soit dans les objets que nous étudions ou dans les échanges scientifiques quotidiens que nous menons et dans nos lec-tures. L’anglais « international », qu’il nous faut aussi pratiquer si nous voulons que nos travaux soient diffusés, si nous voulons répondre à des appels d’offre internationaux, n’est donc qu’une langue parmi d’autres.

Face à ce plurilinguisme toujours présent dans le travail scientifique, la question devient dès lors celle du rapport entre :
  • la pratique et la connaissance de traditions historiques différentes qui sont liées à l’existence de cette pluralité des langues ;
  • et la prétention qui motive toute proposition scientifique argumentée de toucher à une dimension universelle, de sortir des contextes nationaux et langagiers particuliers.
Comment fait-on, concrètement, dans les sciences historiques et sociales ? La question touche non seulement la constitution des savoirs scientifiques, mais aussi la formation, les cursus des étudiants, les diplômes, les débouchés, les stratégies à adopter dans l’état ac-tuel du marché de l’emploi scientifique. Quels sont les apports de l’internationalisation, croissante, de la formation et de la recherche ?

Après une conférence introductive qui posera le problème du plurilinguisme en science en revenant sur les concepts fondamentaux qui permettent de comprendre le rôle du langage (langages « naturels », langages « formels ») dans l’élaboration des hypothèses et des résultats scientifiques, le Workshop se déroulera en trois demi-journées pendant lequel, après une brève introduction, les participants présenteront leurs réflexions, leurs expé-riences, leurs souhaits et critiques quant aux thèmes abordés. Un large temps sera laissé à la discussion. Une session finale sera consacrée à un bilan.

1. Enseigner-rechercher-communiquer

Les langues jouent-elles le même rôle pour les trois activités fondamentales du travail scientifique, et qui sont :
  • l’enseignement : en quoi l’enseignement de base à l’université diffère-t-il d’un travail en séminaire davantage tourné vers la recherche (Master, Doctorat, Post-Doc) ? Le rap-port aux langues est-il différent selon ces différentes étapes du cursus ?
  • la recherche : comment se construisent des hypothèses, des démonstrations, des concepts en fonction des objets, des contextes de travail, des références et des sources et des langues différentes que nous rencontrons ? Ce travail doit souvent être collectif, et rassemble des chercheurs qui ne parlent pas forcement la même langue. Comment une recherche commune peut se mettre en place ? Une langue unique suf-fit-elle ?
  • la communication : comment fait-on quand la langue n’est plus un instrument d’inven-tion, mais sert à communiquer des résultats, par exemple dans une thèse, dans une intervention lors d’un colloque ou dans des publications ? Souvent, il nous faut écrire ou parler dans une autre langue que notre langue maternelle. À quelles difficultés, quels obstacles se heurte-t-on ? Quelles propositions faire ?

2. Travailler dans un contexte multilingue

La recherche actuelle connaît de plus en plus de lieux multilingues. La Villa Vigoni est un tel milieu, comme le Centre Marc Bloch de Berlin ou les Deutsche Forschungsinstitute im Ausland dans les différents pays européens. Ces institutions bi- ou tri-nationales sont à distinguer d’autres, plus nationales comme les universités, où l’anglais a pu s’imposer comme langue de travail dans certaines disciplines (économie, anthropologie, histoire et théorie des sciences, linguistique, sciences de l’esprit), mais où les langues nationales restent un moyen de communication important dans les échanges quotidiens.   

Des récits d’expérience, accompagnés éventuellement de la critique de ces expériences, devraient examiner ce qu’apportent de tels milieux plurilingues, en quoi ils changent la cul-ture scientifique des chercheurs :
  • ce plurilinguisme renforce-t-il l’idée d’une homogénéisation nécessaire des modèles scientifiques et des pratiques, selon les normes d’une science standard, universelle ?
  • ou, au contraire, favorise-t-il un relativisme ?
  • ou, autre possibilité encore, instaure-t-il une intercompréhension entre les différentes traditions scientifiques ?
Quelles expériences de ce type, ou différentes, pourraient être encouragées ?

3. Langues et marché scientifique

La question très concrète de la carrière se pose. Si une bonne maîtrise de l’anglais, parlé et écrit, s’avère nécessaire, quelle place donner à la pratique du plurilinguisme propre au travail scientifique ? Cela concerne à la fois les cursus suivis par les étudiants-chercheurs et, plus généralement, les politiques prônées par les organismes scientifiques, qui sont amenés à définir des critères de qualité ouvrant au recrutement. Les interventions pour-ront rendre compte des difficultés rencontrées, face aux recrutements, aux appels d’offres internationaux.

Le Workshop pourrait déboucher sur des propositions concrètes, quant à la valorisation des parcours didactiques et scientifiques en plusieurs langues.

Les deux langues de travail seront l’allemand et le français, ce qui n’exclut pas des expé-riences portant sur d’autres langues. Les organisateurs prendront en charge les frais de voyage et d’hébergement lors du Workshop.
Date
  • du lundi 12 octobre 2015 à 09h au  mercredi 14 octobre 2015 à 22h
Contact

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