« Questionner le monde : les outils qui ont fait les sciences sociales », le colloque international réunit les 28 et 29 septembre 2015 des intervenant.e.s issu.e.s du monde des arts ou de plusieurs traditions d
isciplinaires des sciences sociales. Il sera précédé d’une soirée au Polygone étoilé et clôturé par le vernissage de l’exposition Mémoires en partage d’Ashley Ouvrier (Institut de recherche pour le développement).
Il se tiendra à l’EHESS Marseille, Vieille Charité, 2, rue de la Charité, 13002 Marseille - 2e étage, salle A,
conjointement organisé par le Centre Norbert Elias et l’Institut des mondes africains, en partenariat avec
l’association Film Flamme-Polygone étoilé, l’Institut de Recherche pour le Développement et le Musée des Arts Africains, Océaniens et Américains (Ville de Marseille).
L'Afrique représente un objet d’études pour les sociétés européennes et leurs savants depuis
Hérodote. Explorateurs, missionnaires, géographes, anthropologues, archéologues, démographes,
historiens ont parcouru ce vaste continent, avant, pendant et après la colonisation européenne.
Ils ont mesuré et décrit les espaces et les populations, conduit des expériences, recueilli les histoires,
les musiques, les objets, les savoir-faire, les modes d’être au monde. Ces savants, quelquefois résistants à l’ordre établi, ont souvent contribué à construire les administrations coloniales comme ils ont animé des
institutions de recherche, dont certaines perdurent aujourd’hui : la fin des empires n’a pas reconfiguré
en profondeur la recherche en sciences sociales qui est conduite sur l’Afrique, recherche structurellement
moins financée que les études portant sur les autres continents, sinon pour sa dimension appliquée
Portée par une civilisation technique, la conquête européenne a façonné la compréhension des sociétés
africaines grâce à ses instruments de collecte et d’analyse de l’information, même sur les territoires qui ont
échappé à la domination. De quels outils – manuscrits, appareils d’enregistrement, vêtements, véhicules,
stations expérimentales –les chercheurs et les auteurs de recherches en sciences sociales sur
l’Afrique ont-ils disposé ? Présentaient-ils une spécificité « africaniste », et, dans ce cas, comment peut-on la caractériser ou l’expliquer ? Comment ces appareils et leurs fonctionnalités ont-ils
voyagé et participé à la création de savoirs nouveaux ? Comment ces outils ont-ils participé à la reconfiguration des sciences sociales et de leurs savoirs en dehors du continent africain ? En s’intéressant à ces instruments de la connaissance, le colloque entend dévoiler quelques-uns des rouages épistémologiques des savoirs sur l’Afrique.
9h30-10h - Christelle Rabier (Ehess), fabriquer l’Afrique, hier et aujourd’hui : une introduction
Discussion générale animée par Henri Médard (Imaf)
Cinquante ans après son assassinat, Patrice Lumumba, Premier ministre du Congo devenu
indépendant, revient hanter la Belgique. Au travers de commémorations, de rencontres et d’un retour
sur le terrain, un haut fonctionnaire belge qui se trouvait à Elisabethville en ce jour fatidique du 17 janvier
1961, tente d’exorciser le passé. Porté par la musique de la Passion selon Saint Jean de J. S. Bach,
Spectres nous replonge dans les journées les plus noires de la décolonisation belge. Examen clinique
d’un corps biopolitique, ce long métrage de Sven Augusjinen met en lumière la frontière étroite
séparant légitimation et historiographie d’une part, et la question traumatisante de la
responsabilité et de la réparation.
Film- portrait composé des archives de Thomas Sankara, président du Burkina Faso entre 1983 et son assassinat en 1987. Prêt à libérer son pays et transformer la mentalité de ses concitoyens, contestant l’ordre politique mondial et défiant les pouvoirs de son temps, Sankara a marqué à la fois l’histoire de l’Afrique et celle du monde. Le cinéaste Christophe Cupelin a réalisé un montage minutieux d’archives télévisuelles, des enregistrements et de films amateurs rares, pour donner une perspective ample sur l’héritage politique et intellectuel d’un chef d’État atypique, oscillant entre idéalisme et ironie.
Wish You Were Hereest un film court muet, créé et joué par la chercheuse et artiste Jade Gibson (Wits City Institute, Afrique du Sud), assistée du cinéaste Gareth Jones. Le film joue délibérément avec les intertextes et explore quelques-uns des stéréotypes ethniques dont l’artiste a fait l’objet, en raison de l’origine de ses ancêtres, pour moitié britannique, pour moitié philippine. La cinéaste se joue des présupposés, en proposant une image d’elle-même qui s’inspire des premières images ethnographiques, animées ou fixes. Elle s’appuie, par exemple, sur des références stylistiques et textuelles à des documentaires ou des livres de voyages, ou sur les histoires de ses propres rencontres lors de ses voyages autour du globe.
Elle a ainsi donné à Wish You Were Here la même texture visuelle que Nanook, film ethnographique muet de Robert J. Flaherty (1922) considéré comme le premier long métrage documentaire. Le film transforme son auteure en « objet d’art ethnographique », en lui surimposant des images ethnicisées et racialisées provenant de différents lieux et histoires, contribuant ainsi à déconstruire les stéréotypes et mettre le spectateur face à ses interprétations quelque peu hâtives. En prolongement, Gibson s’intéresse désormais aux circulations de son film et à sa réception dans les espaces où il est projeté.
Dernier film du réalisateur Khalik Allah, Field Niggas est un portrait des sans-abris new-yorkais, parias de la société américaine, qui interroge la distance entre altérité et humanité.
Manifeste est un projet de recherche en arts visuels que la cinéaste et photographe Frédérique Lagny a commencé il y a dix ans en Afrique de l’Ouest. Le point de départ du projet est la situation sociopolitique actuelle au Burkina Faso où, en octobre 2014, une insurrection populaire balaie en quelques heures le régime de Blaise Compaoré au pouvoir depuis 27 ans. Les photographies réalisées à la marge de son projet de film Ici est ailleurs ou de son installation vidéo, La dernière trompette, ont une double fonction. Point de départ de sa recherche, elles documentent et témoignent d’un moment, d’un récit ou d’une situation sur laquelle elle travaille. Bien souvent pourtant, elles en viennent à trouver leur autonomie tout en influençant radicalement les différentes approches mises en œuvre dans ses dispositifs filmiques.