Ce que les livres nous racontent : la collection japonaise du Fonds Léon de Rosny et la circulation des savoirs

EHESS - Salle 2  -  105, boulevard Raspail  -  75006 Paris
Noriko BERLINGUEZ-KONO (Université Lille 3) donnera une conférence dans le cadre du séminaire collectif du Centre Japon.

La collection japonaise du Fonds Léon de Rosny témoigne du tout début des études japonaises en France, et dans une certaine mesure, en Europe. Professeur de la première chaire de langue et civilisation japonaises en France, à l’Ecole spéciale des langues orientales, Léon de Rosny (1837-1914) collectionna des livres japonais et chinois et finalement légua cette importante collection personnelle ainsi que ses propres écrits à la ville de Lille. En effet, ces ouvrages permettent de nous révéler et de comprendre dans quel contexte (politique, culturel, intellectuel) les études japonaises se sont développées et organisées à cette époque. Depuis la publication du catalogue fort commode de Peter Kornicki en 1994 par la Bibliothèque municipale de Lille, malheureusement, peu de recherches ont été menées sur les ouvrages du Fonds. Cependant, depuis 2014, à l’occasion du centième anniversaire du décès de Rosny, certaines actions ont été entreprises aussi bien par les descendants de Rosny que par le groupe franco-belge dont je fais partie : les descendants ont publié un bel ouvrage de témoignages en décembre dernier et à cette occasion, Patrick Beillevaire a donné une conférence à la Bulac, d’une part, et le groupe franco-belge a entamé sa deuxième année de collaboration dans le cadre des Partenariats Hubert Curien, d’autre part.
La présente communication vise à examiner l’histoire de trois livres faisant partie de la collection de Léon de Rosny en vue de donner un bref aperçu de la circulation des savoirs du XIXe siècle observée dans ce cas particulier. Le premier livre que nous mentionnerons est Fuei shinsetsu 婦嬰新説 (Fu ying xin shuo), une version japonaise annotée d’un traité sur l’obstétrique rédigé en chinois par Benjamin Hobson, médecin- missionnaire anglais basé en Chine. Le livre fut offert à Rosny par un jeune membre de la Seconde ambassade du Japon à l’Europe (1864). Il est notable que la curiosité intellectuelle pour les sciences occidentales, a fait voyager ce livre d’un auteur anglais, depuis la Chine, en passant par le Japon et jusqu’en France. Le deuxième document Yohane fukuin no den 約翰福音之傳 est un exemplaire de 1854 publié et manuscrit par Rosny lui-même, qui avait copié un extrait de l’évangile selon St Jean, traduit et publié par Karl Gützlaff. Imprimé à Singapour en 1837, l’Évangile de Gützlaff est la première traduction de la Bible en japonais. Utilisé souvent comme manuel de langue japonaise, celui-ci était très convoité parmi les orientalistes européens de l’époque, désireux d’apprendre les rudiments de la langue. Enfin, nous tenons à signaler qu’une version japonaise et abrégée des célèbres volumes Kaikoku zushi 海国図志 (Hai guo tu zhi) appartient également au fonds. Les volumes, une fois leur importation autorisée, firent date dans un Japon sujet à de grands bouleversements : la lecture de ces ouvrages poussa certains bushi à se radicaliser et les transforma en acteurs politiques. Best-seller de l’époque, la version du Fonds reflète bien la vision du monde général ainsi que la curiosité tournée vers les Etats-Unis : le livre examine divers aspects des États-Unis d’Amérique, tels que la géographie, la politique, les coutumes, les institutions. Il est à noter que Stanislas Julien, maître de Rosny et professeur de Collège de France, fit un compte rendu détaillé sur la première édition chinoise (Journal asiatique, 1847).
Date
  • le jeudi 16 avril 2015  de 11h  à 13h
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