Périodisations et régimes de temporalité en histoire (I et II)

EHESS - Salle Jean-Pierre Vernant  -  190-198, avenue de France  -  75013 Paris

La remise en cause des découpages chronologiques conventionnels – histoire ancienne, médiévale, moderne et contemporaine – est fondatrice de la naissance même de l’EHESS. Avec Marc Bloch et Lucien Febvre, Fernand Braudel et ses régimes de temporalité multiples forgent une référence essentielle à l’architecture épistémologique et pédagogique de l’EHESS.

Après ces éléments fondateurs, de nombreuses nouveautés sont survenues au cours des dernières décennies :

1) Les découpages chronologiques en histoire européenne. Une mise en perspective historiographie s’impose étant donné les évolutions historiographiques dans ce domaine. Que reste-t-il aujourd’hui des périodisations académiques et quelles sont les alternatives proposées ?

2) L’irruption des aires culturelles. Leur essor à l’EHESS incite à un double questionnement. D’une part, chaque aire avance ses propres périodisations, plus ou moins liées aux historiographies nationales, voire nationalistes. Il s’agit donc de comprendre dans quelle mesure ces périodisations sont recevables et pour quels motifs. Mais d’autre part, l’histoire connectée, l’histoire globale et la world history encouragent, chacune à sa manière, à dépasser ces cadres traditionnels. En ce cas, comment proposer des périodisations capables de dépasser ces segmentations ? Quel rôle attribuer aux échelles temporelles ?

3) Les périodisations à elles seules ne constituent qu’un aspect du problème. Elles demandent à s’inscrire dans des débats non seulement historiographiques (à savoir, le moyen par lequel telle historiographie a pu produire telle périodisation), mais aussi épistémologiques. En ce cas, il s’agit de déterminer, tout d’abord, la nécessité des périodisations et leur raison d’être, et, en second lieu, la manière dont elles peuvent se relier aux problématiques plus générales des temporalités.

4) Cette dernière perspective, par exemple autour des trois temps braudéliens, renvoie aussitôt aux relations entre histoire, sciences sociales et sciences. L’article de 1958 combinait la longue durée à l’ambition d’intégrer histoire et sciences sociales. Cependant, depuis lors, cette interaction a été différemment mise en pratique. Aux USA, l’histoire relève essentiellement des humanités et il en va de même dans la plupart des universités françaises. Qu’en est-il de l’EHESS ? L’histoire est-elle encore une science sociale ou a-t-elle désormais basculé du côté des humanités ?
Une mise en perspective s’impose, notamment en tenant compte de l’essor des aires culturelles et de l’histoire connectée. L’érudition et les langues jouent un rôle central dans les deux cas, quoique de manière différente. Il est important de rendre ces différences explicites, puis, à partir de là, de préciser leurs relations avec les sciences sociales.

5) Les relations avec la science. Dans la tradition de l’EHESS, l’histoire de la science et les postures réflexives dominent la force et la spécificité de la recherche. La question se pose de concilier critique et réflexivité d’une part, avec reconstructions historiques, d’autre part. La circulation et la mise en pratique des savoirs dans des contextes pluriels constituent une réponse possible à cette question. Cette solution évince la question de la performativité des savoirs et de leurs pratiques, à l’affiche en histoire des sciences et de l’économie dans leur version euro-centrique. Faut-il pour autant radicalement écarter cette question ? Est-il possible de concilier une analyse réflexive des apports scientifiques avec leur usage « positif » en histoire et dans les sciences sociales ou bien faut-il accepter une incompatibilité, voire une rupture épistémologique majeure, entre ces domaines ?

6) Ces questions et les réponses apportées conditionnent non seulement la recherche mais aussi l’enseignement à l’EHESS : les passerelles entre histoire européenne et histoire des aires culturelles, le rôle dans ce cadre de l’histoire trans-aires se prêtent à discussion. En même temps, cette question ne pourra trouver de solution sans son complément, à savoir, quelle interdisciplinarité pour quelle histoire ?

Bien sûr il ne s’agit pas de discuter chacune de ces interrogations en particulier, mais de prendre pour point de départ le problème des périodisations et des temporalités confrontées les unes aux autres. Plusieurs sujets se prêtent à l’examen de cette confrontation : par exemple, les tensions entre sources et données ; entre langue, érudition et catégories des sciences sociales, etc. Si nous le souhaitons, nous pourrons très bien décider de continuer nos discussions sur ces points comme sur d’autres.

Nous avons conçu ces tables rondes comme de véritables échanges ouverts entre l’ensemble des participants. Les intervenants se limiteront dès lors à introduire les problèmes pendant une dizaine de minutes afin qu’un dialogue approfondi puisse émerger.

Deux tables rondes auront lieu en mars, le 6 et le 16 respectivement, sur les questions concernant les périodisations et régimes de temporalité en histoire européenne, dans les aires culturelles et en histoire des sciences, ainsi que sur les relations et croisements possibles.

Des journées d’études sur ce même sujet sont prévues début novembre, dans le cadre du programme GHC (ghc.wp.ehess.fr/) avec nos collègues de la Freie Universitat, Humboldt, Tokyo (Todai) et Princeton.

Programme

Vendredi 6 mars

9h30-13h00
Quelles périodisations pour l’histoire européenne ? Que reste-t-il du découpage entre histoire ancienne, médiévale, moderne, contemporaine ?

Cecilia D’Ercole (AnHima), Marcello Carastro (AnHima), Sylvain Piron (CRH), Mathieu Arnoux (CRH-Université Paris 7), Sabina Loriga (CRH), Jean-Yves Grenier (CRH)

14h-17h30
De l’histoire européenne aux aires culturelles : quelles périodisations, quels jeux d’échelles?

Alessandro Stanziani (CRH), Christian Lamouroux (Centre Chine), Romain Huret (CENA), Claudia Damasceno (Mondes américains)

Lundi 16 mars

9h30-13h00
Périodisations, échelles et aires culturelles 2

Wladimir Berelowitch (CERCEC), Larissa Zakharova (CERCEC), Liliane Hilaire Perez (CAK-Université Paris 7), Kapil Raj (CAK)

14h-17h30
Périodisations, échelles et histoire des sciences

Jean-Baptiste Fressoz (CAK), Fabien Locher (CRH), Frédéric Graber (CRH), Fréderic Obringer (Centre Chine)

Date
  • le vendredi 6 mars 2015  de 9h30  à 17h30
  • le lundi 16 mars 2015  de 9h30  à 17h30
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