Louis Machon est l’auteur de la seule défense directe et systématique de Machiavel en langue française du XVIIe siècle : Apologie pour Machiavelle. La politique des Rois, et La science des souverains en faveur des Princes et des Ministres d’Estat. Il nous reste deux états autographes complets du texte, composés à 25 ans d’intervalle (1643 et 1668).
Il s’agit d’une entreprise ambitieuse et de grande ampleur (985 pages manuscrites), visant à la réhabilitation politique de Machiavel, chaque chapitre ayant pour titre une « maxime » tirée des Discours sur la première décade de Tite-Live (premier livre) ou du Prince (deuxième livre). Les maximes sont les plus scandaleuses et censurées prêtées à Machiavel mais de fait composées par les innombrables ennemis de Machiavel.
Il suffit, pour s’en convaincre, de parcourir les six premières maximes du premier livre : 1-Qu'il est permis d'usurper, et conquerir des Estats par la force des armes; 2-Que le prince doibt entretenir les seditions et dissentions parmy ses sujets, pour le bien de son Estat; 3- Qu'il fault appaiser les seditions, et emotions populaires, par la force et la violence; 4- Que la cruauté qui tend a bonne fin n'est blasmable ; et que celle qui profite est louable; 5- Qu'il fault suivre la Religion par raison d'Estat, quoy que fausse et erronée, comme son principal appuy; 6- Qu'il fault accommoder la Religion a l'Estat, pour le bien et conservation d'iceluy; 7. Que l'Eglise Romaine apporte la confusion dans ses Estats. etc.
Après l’énoncé de chaque maxime, Machon cite des passages du texte original de Machiavel en italien (édition dite de la Testina), puis il donne leur traduction française (Jacques Gohory pour les Discours et Garpard d’Auvergne pour le Prince). C’est sur cette base philologique que Machon argumente pour défendre la philosophie politique de Machiavel, sans pour autant nier la pertinence des maximes machiavéliques, ceci à travers l’exploitation d’une immense bibliothèque : historiens et philosophes anciens, Bible, pères de l’Église, conciles, droit romain et canonique, casuistes, théologiens et de
nombreux auteurs modernes dont, selon les cas, les noms sont donnés ou tus (Lipse, Montaigne, Charron, Grotius, Le Vayer, jusqu’au Pascal des Provinciales...).
Le texte, véritable patchwork de citations avouées ou non, mais accompagnées d’interventions tranchées et décisives de l’auteur lui-même, produit une doctrine radicale de la raison d’État au profit du souverain absolu et de son ministre d’État.
Jérémie Barthas (Queen Mary University of London - School of History) : « Remarques sur l'Anti-Gentillet de Machon »
Journée organisée par Jean-Pierre Cavaillé, Sophie Houdard et Cécile Soudan dans le cadre du projet
européen ENBaCH (European Network for Baroque Cultural Heritage, www.enbach.eu)