Un certain nombre d’études ont été menées ces dernières décennies sur les rapports entre homosexualité et religion par divers théologiens, historiens et sociologues. Mais il y a eu fort peu d’échanges entre les différentes disciplines qu’ils représentent et peu de croisements des recherches sur l’homosexualité entre les différents monothéismes. Or quand on observe ce qui advient dans le christianisme et le judaïsme à propos de l’homosexualité, on ne peut qu’être frappé par les parallèles et même les influences réciproques (qui s’expliquent en partie par le fait que les recherches menées sur la Bible hébraïque sont devenues une entrepriseœcuménique judéo-chrétienne). Si les études sur islam et homosexualité sont moins nombreuses, elles suggèrent aussi qu’on retrouve dans ce monothéisme des évolutions qui rappellent celles des deux autres. Ce colloque interdisciplinaire cherche à rassembler des chercheurs travaillant sur l’homosexualité et un ou plusieurs des trois grands monothéismes, à croiserleurs perspectives et à parvenir ainsi à une compréhension plus complète et plus large de la question de l’homosexualité dans les trois monothéismes. Les communications pourront porter à la fois sur les institutions religieuses, les groupes confessionnels LGBT et les parcours individuels de croyants gays ou lesbiens.
- Institutions religieuses, tradition et homosexualité
D’un point de vue sociologique ou historique, on étudiera la manière dont les institutions religieuses traitent de la question homosexuelle et sont affectées par l’acceptation croissante des couples de même sexe dans maints pays. Dans les sociétés occidentales,l’homosexualité est de plus en plus perçue comme une sexualité comme une autre.Plusieurs pays, dont la France et le Royaume-Uni, ont ouvert le mariage aux personnes de même sexe. Ces transformations questionnent le fonctionnement des institutions religieuses, dans un contexte marqué par une désinstitutionalisation et une pluralisation du religieux, d’une part, et l’émergence de nouvelles formes d’engagement religieux, d’autre part. Les points suivants appellent de nouveaux travaux :
- les stratégies développées par les traditions religieuses confrontées à la pluralisation des modèles familiaux.
- comment les dispositifs religieux/séculiers de la normativité conjugale et familiale sont aujourd’hui
ébranlés par l’avènement d’une conception individualiste et relationnelle de la famille qui emprunte ses références à la culture démocratique. - l’impact sur les différents courants des trois religions monothéistes de la politisation de la sexualité (par exemple à l’occasion de la légalisation de formes d’unions civiles pour les personnes de même sexe ou du mariage pour tous dans certains pays).
- Les argumentaires mobilisés par les trois religions monothéistes à l’occasion des débats autour de l’accès au mariage ou à la procréation médicalement assistée.
D’un point de vue historique ou théologique, on étudiera la manière dont les institutions religieuses ontconceptualisé la sexualité en général et l’homosexualité en particulier, et comment cela a conduit les institutions à prendre en compte la réalité de l’homosexualité. En particulier les points suivants doivent être examinés :
- la lecture de l’histoire religieuse et théologique que reflète le discours institutionnel sur
l’homosexualité. - l’utilisation qui est faite des sources de la tradition religieuse, à commencer par la Bible et le Coran. Dans le christianisme et le judaïsme, par exemple, comment le discours institutionnel prend-il (ou ne prend-il pas) en compte les recherches récentes sur les textes et le monde de la Bible ? Quelle utilisation des textes sacrés les documents théologiques issus des institutions font-ils ?
- les points de contact entre l’exploration théologique de l’homosexualité et la tradition théologique sur la sexualité, le mariage et les relations humaines en général.
- l’attitude des institutions religieuses et des membres de leurs communautés respectives face à la visibilité croissante des gays et lesbiennes, des couples de même sexe ou des familles homoparentales en leur sein, avec notamment l’émergence de pasteurs, rabbins et même imams ouvertement gays.
2. Groupes et mouvements confessionnels LGBTD’un point de vue sociologique ou historique, on étudiera la manière dont les groupes et mouvements confessionnels LGBT ont évolué et lesstratégies qu’ils ont adoptées dans leurs interactions avec les institutions religieuses et la sphère politique. Quel rôle jouent-ils dans la militance gayet lesbienne à l’intérieur des communautés de foi et plus largement dans la société ? Quelle est la place de ces mouvements, Eglises LGBT (comme la
Metropolitan Community Church) ou communautés locales pro-gay (les synagogues gays de New York, par exemple) au sein de leur tradition religieuse chrétienne, juive ou musulmane, et quel impact y ont-ils ?
D’un point de vue théologique ou historique, ons’intéressera à la relecture gay et lesbienne de l’histoire religieuse et de la tradition théologique qui est faite au sein des mouvements religieux LGBT. Comment les ressources de la tradition sont-elles utilisées pour réinventer une imagination religieuse qui ne fait plus de place à l’homophobie et promeut la pleine inclusion des gays et lesbiennes au sein de la communauté religieuse ? Cette réinvention va-t-elle de pair avec des lectures « identitaires » des textes sacrés ? Quel est l’impact de la relecture de l’histoire religieuse et de la tradition sur la manière dont les gays et lesbiennes s’approprient et adaptent leur tradition religieuse ? Comment ces relectures sont-elles reçues par les institutions religieuses ?
D’un point de vue autant sociologique, qu’historique ou théologique, on s’intéressera aussi à l’appropriation des rites chez les gays et lesbiennes. Dans quelle mesure redéfinissent-ils ou réaffirment-ils le traditionnel ? Une question importante est celle du rapport entre l’appropriation des rites matrimoniaux par les gays et lesbiennes et les réflexions plus générales au sein des traditions religieuses sur la signification du mariage. D’autres rites doivent aussi être interrogés, en particulier l’adaptation à la vie LGBT de certains rituels traditionnels (par exemple, dans un courant très libéral du judaïsme, les essais d’utilisation d’une Haggadah de Pâques réécrite pour célébrer la libération
queer lors du Sabbat précédant la Gay Pride) ou la création de nouveaux rituels, comme des cérémonies de coming-out.
3. Les individus LGBT et leur tradition religieuse
Du côté des individus, en Occident tout au moins, on observe une plus grande mobilité religieuse et une privatisation des pratiques et croyances religieuses mettant l’accent sur l’épanouissement personnel et une prise de distance par rapport aux normes religieuses. Celles-ci continuent pourtant à faire sens à travers un processus de réappropriation et de réinterprétation, y compris parmi les clercs. Comment les individus gèrent-ils les tensions entre les discours normatifs, les pratiques quotidiennes et leurs identités minoritaires ?
Ces questions englobent celle de l’utilisation par l’individu (même sécularisé) d’une imagination religieuse pour recréer la tradition et, par là, la culture qu’elle a contribué à façonner, d’une manière qui n’est plus homophobe. Les spécialistes de littérature et les théologiens, en particulier, ont une contribution à faire pour analyser la manière dont certains auteurs LGBT (depuis Oscar Wilde, par exemple) ont dialogué avec les textes sacrés et, plus largement, avec leur tradition religieuse.
Également, la question de la transmission est importante. Comment les gays et lesbiennes se situent-ils par rapport à ce qui leur a été transmis (par leurs parents, leurs pasteurs, rabbins, etc.) et que veulent-ils transmettre, eux, dans leur entourage et pour la postérité ? La question de l’homoparentalité et de la transmission de l’héritage religieux est sans doute un point particulièrement important à étudier, tout comme la transmission de cet héritage à travers l’exercice de certains métiers, en particulier quand ils sont liés à l’institution religieuse (rôle spécifiques dans la transmission en tant que gays et lesbiennes des pasteurs, rabbins, imams, théologiens, catéchistes homosexuels ?). Les modes traditionnels de transmission sont-ils adaptés ou redéfinis ?
Comité organisateur
- Rémy Bethmont (Université Paris 8)
- Martine Gross (CNRS/EHESS).
Comité scientifique
- Céline Béraud (Université de Caen),
- Rémy Bethmont (Université Paris 8),
- Mark Chapman (Université d’Oxford),
- Martine Gross (CNRS/EHESS),
- Danièle Hervieu-Léger (EHESS),
- Andrew Mein (Université de Cambridge),
- Philippe Portier (EPHE),
- Florence Rochefort (CNRS).
Les propositions, faisant entre 3000 et 5000 signes maximum (comprenant un titre),
sont à envoyer, avant le 30 juin 2014, en précisant votre discipline et votre institution de rattachement à chacune des deux adresses suivantes :
gross@ehess.fr et remy.bethmont@univ-paris8.fr
Les réponses seront rendues le 15 juillet 2014 au plus
tard
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