La sacralisation du Corps impérial : les deux figures du souverain japonais au début de la monarchie constitutionnelle (1868-1912)

Salle 2 EHESS  -  105 bd Raspail  -  75006 Paris

La sacralisation du Corps impérial : les deux figures du souverain japonais au début de la monarchie constitutionnelle (1868-1912)

Conférence de Yûsuke INENAGA (Post-doctorant, EPHE/CNRS-GSRL) dans le cadre du séminaire collectif du Centre Japon.

Résumé

Cet exposé vise à analyser le caractère céleste de l’Empereur qui légitime le pouvoir au sein du régime constitutionnel. Concernant la relation entre religieux et politique et l’identification de l’autorité transcendante au Souverain, une question essentielle se pose : comment la sacralité est-elle légitimée par l’État ? Cette question est d’autant plus importante qu’elle concerne la construction de l’État-nation.

En soulignant l’émotion en politique appuyée sur « Le culte des ancêtres et le dévouement aux Dieux », cette analyse se développera à partir de trois axes. Le premier s’attache au gouvernement de l’État antique fondé sur l’identification entre rituel et politique, laquelle s’opère autour de l’autel ancestral de la famille impériale. Nous mobiliserons le récit mythique de la Porte du Rocher céleste (Amanoiwato no shinwa), considéré comme principe matriarcal de la sacralité issue de la déesse du Soleil. Le deuxième axe permettra d’examiner l’articulation entre le Rescrit impérial sur la descente sur Terre du Petit-fils céleste (Tenson-kôrin no shôchoku) et la Constitution du grand Empire du Japon promulguée en 1890. Au sein de la « lignée impériale unique », l’Empereur de l’ère Meiji peut être considéré comme analogue au premier empereur, Jimmu, qui a fondé l’État en 660 av. J.-C. À travers l’interprétation des discours officiels de l’Empereur sur le fondement du régime constitutionnel, nous verrons la figure ambivalente de l’Empereur par rapport à la continuité de sa légitimité. À cet égard, l’étatisation du culte du « Fils du Ciel » s’identifie à l’héritage de la tradition théocratique, caractérisée par la confusion entre religieux et politique. Le troisième axe tentera d’éclairer le principe patriarcal d’un gouvernement fortement enraciné dans l’« instance familiale ». Pour comprendre la soumission volontaire aux Ancêtres, nous analyserons le rapport au culte des ancêtres du père fondateur de l’État dans les manuels scolaires de morale pour l’école primaire.

En conclusion, nous nous intéresserons à l’intériorisation et à la sauvegarde de l’Essence nationale identifiée au shintoïsme d’État : le Corps impérial apparaît alors sous la double figure mythique et juridique du Souverain comme idéal collectif du Moi, auquel les sujets s’identifient, non en tant qu’individus autonomes mais en tant que membres homogènes de la communauté ethno-religieuse. Dans cette construction de l’État-nation, à la différence du modèle occidental, les intellectuels de l’État Meiji établissent l’union du Souverain et de la Nation dans le Corps du monarque.

Yusuke Inenaga est politologue. Il approfondit l’analyse des phénomènes paradoxaux d’étatisation et de libération des cultes dans le processus d’évolution de l’espace démocratique. Il applique la méthodologie comparative à la réflexion sur la Restauration monarchique en France et au Japon. Actuellement, ses travaux de recherche portent sur la question de la religion d’État par rapport à la tension entre l’individuel et le collectif d’une part, et à l’imaginaire national, d’autre part.
Date
  • le jeudi 6 février 2014  de 11h  à 13h
Contact
  • Guillaume Carré (carre@ehess.fr)
    CRJ/EHESS
    105 bd Raspail 75006 Paris

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