Le Miroir des faits. Philosophie de l'habillage juridique dans la scolastique médiévale et ses lectures romantiques

EHESS – Salle A du Conseil  -  190-198, avenue de France  -  75013 Paris

Pierre Thévenin soutiendra son doctorat en philosophie « Le Miroir des faits. Philosophie de l'habillage juridique dans la scolastique médiévale et ses lectures romantiques ».

Jury

  • M. Jacques Chiffoleau, E.H.E.S.S. – Université de Lyon II
  • M. Emanuele Conte, Università degli Studi di Roma Tre, codirecteur
  • M. Bruno Karsenti, E.H.E.S.S., directeur
  • Mme Beatrice Pasciuta, Università di Palermo
  • M. Mikhaïl Xifaras, Institut d’études Politiques de Paris

Résumé de la thèse

Dans la longue histoire du droit civil romain, je cherche le moyen de questionner l’évolution normative des sociétés contemporaines. Pour aider la philosophie politique à mesurer l’effacement des repères classiques de la pensée juridique, je propose de remonter le fil de deux traditions d’étude souvent disjointes. Ma première partie étudie la propension des philosophies idéalistes du droit à ignorer la dimension technique de la pensée juridique. Je montre alors les conséquences ironiques de ce parti-pris : chez Kant la mise en place d’une conceptualité du jugement d’allure nettement juridique ; chez Hegel une valorisation paradoxale du droit romain, tour à tour attaché à la Rome historique et voué à définir ad aeternam la forme abstraite de l’esprit objectif. Consacrée aux interprétations successives du droit romain de la possession, ma seconde partie explore alors la tension entre deux manières d’« habiller les faits », c’est-à-dire de rapporter les catégories juridiques au réel. En confrontant la scolastique médiévale principalement italienne des XIIe au XIVe siècle au Traité de la possession en droit romain de Friedrich Carl von Savigny (1803), je reconstitue les étapes, mais aussi les préconditions philologiques, de l’enrôlement du principe kantien de l’autonomie de la volonté dans la science juridique. Par contraste, je montre l’originalité « ontologique » de la technique juridique médiévale, lorsqu’elle conçoit des espèces de possession « plus ou moins factuelles » ou des transferts fictifs de propriété. Dans ces libertés prises avec le réel, j’entrevois la clé d’une analyse à nouveau frais du déclin de la place du droit dans le gouvernement des sociétés contemporaines.

In Roman law’s far-reaching tradition I search for conceptual resources helping to analyse the normative patterns through which contemporary societies are governed. Aiming at refining our theoretical assessment of the decline of classical legal science, I recover and re-read two traditions. First, I examine idealist systems of legal philosophy and their propensity to ignore the historical dimension of legal techniques. This is shown to have ironical consequences, when Kant sets himself up as a judge at the tribunal of reason, or when Hegel treats Roman law as both specific to the history of ancient Rome and germane to the eternal and abstract form of « objective spirit ». The second part of my research hence turns to the Roman law of possession, a topic which testifies to long-run shifts in the scientific style of legal thinking. In confronting mainly Italian scholastic interpretations of jus possessionis, dating from XIIth to XIVth century, with Von Savigny’s Treatise on Possession of 1803, I show how philology and historical erudition were involved in a romantic attempt at embedding Kant’s idea of the autonomy of free will into the realm of jurisprudence. As a result, medieval ways of employing legal techniques independently of any external ontological constraint tended to be overshadowed. Whereas glossators felt free to imagine types of legal possessions which were « more or less facts » or to posit fictitious property transfers, I consider this loose attitude towards reality as a valuable touchstone for analysing law’s specific part in the government of contemporary society.

Date
  • du mercredi 15 janvier 2014 à 14h au  mardi 14 janvier 2014 à 18h
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