L’Islam en ses langues : exigences du sacré et nécessités du profane

L'IISMM lance un appel à participation à sa prochaine session d'études doctorales, qui aura lieu à Madrid (Espagne) du 17 au 21 mars 2014. En partenariat avec le Netherlands InterUniversity School for Islamic Studies (NISIS) et la Casa de Velazquez (Madrid).

Argumentaire

De Mindanao à la Bosnie et du Sénégal au Xinjiang, les peuples de l’Islam s’expriment dans des centaines de langues, comme il convient à une aire de civilisation qui couvre le cinquième de l’humanité. Cette multiplicité naît pourtant de l’un : aucune des deux autres grandes aires culturelles fondées sur une religion universelle, christianisme ou bouddhisme, ne repose sur une langue sacrée d’une hégémonie aussi impérieuse que l’arabe. Le Coran ne se traduit pas, l’essentiel de ses commentaires médiévaux autorisés a été élaboré en arabe, et surtout le droit musulman, enraciné dans les dispositions du texte sacré, du hadîth et de la Sîra du Prophète et de ses Compagnons est resté attaché tout au long de l’histoire à la langue arabe de ses sources de référence.

En revanche, l’administration de l’empire islamique, puis de ses Etats successeurs, s’est vite détachée  de la langue du religieux, d’abord en construisant une prose d’empire – dont on a noté depuis longtemps qu’elle fut l’œuvre des secrétaires chrétiens et des grammairiens persans du califat -, puis en s’ouvrant successivement à deux autres langues d’Etat et de culture, le persan – dont l’aire d’influence, étendue de l’Anatolie à l’Inde l’emporte largement sur celle de l’arabe entre XIIIe et XVIIIe siècles -, puis le turc ottoman. Au contraire, l’arabe, largement privé de la force de cohésion d’un pouvoir d’Etat, se fractionne en dialectes, apparus dès le Xe siècle.

Du moins pendant longtemps, toute langue ‘islamique’, inspirée ou travaillée par les valeurs de la religion musulmane, mais aussi de la civilisation islamique, s’écrit-elle en alphabet arabe, ou arabo-persan – qu’il s’agisse du malais, du swahili ou de l’espagnol/aljamiado. Et même des langues chrétiennes comme le syriaque, le grec et l’arménien, se sont écrites à certains moments en alphabet arabe. Ce n’est aujourd’hui plus vrai. A peine la moitié des populations musulmanes dans le monde écrivent et lisent en alphabet arabe, entre Maroc et Pakistan, à l’exception de la plupart des populations turques et turciques. Ailleurs l’alphabet latin a largement triomphé. Effet de la ’modernité’ européenne, qui a aussi conduit à une large ‘désarabisation’, voire ‘dépersanisation’, depuis l’osmanli jusqu’au turc contemporain, mais aussi depuis l’hindoustani jusqu’au hindi d’aujourd’hui. L’urdu a échoué à s’imposer, et à imposer la graphie arabo-persane au Bangladesh. Le malais devenu indonésien s’écrit en alphabet latin. Au Kenya, en Tanzanie, le swahili est désormais langue nationale de pays très majoritairement chrétiens, et il a perdu son attachement premier à l’Islam. Dans presque tous les pays musulmans en outre, la colonisation ou la modernité ont établi au cœur de l’Etat et des élites des langues européennes qui ont souvent pris le rôle autrefois dévolu aux grandes langues de culture islamiques (ainsi l’anglais qui a remplacé aux Indes le persan en partie dans les mêmes usages). L’arabe lui-même, revitalisé et revalorisé par la « Nahda » du XIXe siècle, s’est modernisé dans son lexique, son style, et sa pédagogie, en adoptant les outils linguistiques modernes et l’imprimerie.

Ces tendances lourdes se heurtent aujourd’hui à l’hostilité des courants islamistes. Chez les musulmans de Chine, d’Afrique subsaharienne, l’arabe, jugé langue de l’islam ‘pur’ reconquiert quelques positions que le militantisme salafiste ou jihadiste dénie au français (au Maghreb) ou à l’anglais (au nord du Nigéria).

C’est en particulier (mais pas exclusivement) à ces problèmes de hiérarchies de langue, d’usages et de territoires linguistiques anciens et modernes, à la place de l’arabe, du persan,  de l’urdu ou du haoussa, mais aussi des langues européennes dans le monde islamique que sera consacrée notre session doctorale.

Responsables scientifiques

  • Gabriel Martinez-Gros, Professeur à l’Université Paris X, Institut d’études de l’Islam et des sociétés du monde musulman
    martinez-gros@orange.fr
  • Léon Buskens, Chair for Law and Culture in Muslim Societies, Director Leiden University Centre for the Study of Islam and Society (LUCIS), Director InterUniversity School for Islamic Studies
    L.P.H.M.Buskens@hum.leidenuniv.nl
  • Stéphane Michonneau, Directeur des études – époque moderne et contemporaine, Casa de Velazquez

Disciplines

Anthropologie – Droit – Histoire – Islamologie – Littérature – Linguistique - Philosophie – Sciences Politiques – Sociologie – Géographie

Déroulement de la session

Des exposés magistraux seront prolongés par des séances de discussion, des ateliers de travail autour des recherches doctorales des étudiants qui participent à la session. Les débats et les interventions se dérouleront en anglais. La participation à cette école doctorale exige donc de pouvoir s’exprimer dans cette langue.

Procédure de sélection des doctorants

Sélection par un jury sur la base d’une lettre de motivation adressée par les candidats (1 à 2 pages maximum), d’un CV, d’un résumé de la thèse (2 pages maximum) et d'une lettre de recommandation de leur directeur de thèse. Les candidats retenus s’engagent à assister à la totalité de la session. Leurs frais de mission étant pris en charge, ils s’engagent également à respecter les dates de départ et de retour qu’implique la session.

Date limite de réception des candidatures :12 janvier 2014

Par courrier : IISMM, 96 bd Raspail, 75006 Paris ou par mail : iismm.infos(at)ehess.fr

Date limite
  • le dimanche 12 janvier 2014
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