Art contemporain et marges

« Art contemporain et marges », Colloque interdisciplinaire, Centre Marc Bloch, Berlin, du 9 au 11 octobre 2013

Argumentaire

Ce colloque se propose de traiter du rôle que jouent les marges dans les définitions de l'art contemporain, et notamment dans celles qu’élaborent ses acteurs. Il s’agira de comprendre les marges et la marginalité dans le champ de l’art selon leur caractère double : comme prise de position programmatique ou comme situation imposée. Au niveau de la production de l’art, nous nous intéresserons aux pratiques artistiques qui donnent une place à ce qui est à la marge du domaine traditionnel de l'art – et par là-même brouillent les frontières et remettent en question les conceptions établies. La réflexion sur la marginalité est-elle à même de mettre en lumière des traits spécifiques à l’art contemporain ?

Cette problématique ouvre plusieurs champs de réflexion, qu'il s'agira ici de discuter dans une perspective interdisciplinaire, croisant les champs de la sociologie, de la philosophie, de la géographie et de l'histoire de l'art. Nous proposons trois axes qui semblent à même d'interroger conjointement les notions de marges et d’art contemporain à l’intersection des traditions scientifiques des différents pays, ce colloque voulant donner l’occasion d’un débat scientifique non seulement à l’échelle franco-allemande, mais aussi internationale.

Le premier axe invite à questionner l'histoire croisée des concepts de marge et d'art contemporain. Il s'agit ici d'analyser les fonctions associées à l'idée de la marginalité dans la genèse de l'art contemporain à partir du milieu des années 1960. Les avant-gardes artistiques et intellectuelles du XXème siècle proposent une reformulation du concept d’art, donnant lieu à un élargissement des pratiques artistiques. Le concept d’art se déploie, en particulier depuis les années 1960, en relation avec ce que la définition essentialiste de l’art excluait. On assiste dès lors à l’émergence de nouveaux enjeux, où fonctions et prestations de l’art sont pensées à nouveaux frais. Ce bouleversement est accompagné d’une multiplicité de pratiques, qui intègrent des domaines marginaux comme le kitsch, le « low art » et la production technique, qui emploient des méthodes et s’approprient des objets étrangers au champ de l’art. En visant à lever des frontières du point de vue de la production comme de la réception, ces nouvelles pratiques artistiques interrogent la spécificité de leur approche. L'héritage des avant-gardes et l’instabilité des paradigmes historiographiques tout comme la remise en cause des conceptions dogmatiques de l'art serviront de point de départ pour comprendre et dater le passage de l'art moderne à l'art contemporain. Quels rôles ont joué les avant-gardes artistiques et intellectuelles dans les définitions de l'art contemporain ? Ces questions de définition et d'héritage révèlent le poids des fantasmes attachés au problème des marges dans le champ de l'art contemporain. Comment sont véhiculées ces représentations diverses et quelles fonctions y sont associées ? Comment naissent et évoluent les différents profils d'artistes marginaux (artiste maudit, artiste en retraite, artiste fou...) ?

Mais de quelles marges parle-t-on ici ? La marge ou les marges peuvent être perçue(s) comme des espaces d'exclusion, mais également comme des interfaces vers une centralité établie. Il importe dans ce sens de s’interroger sur les dynamiques entre centres et périphéries, ce qui constitue un second axe de réflexion. Les marges peuvent en effet constituer des espaces singuliers qui offrent des ressources, marquent le paysage et se nourrissent de la mobilité sociale et spatiale des individus – artistes, critiques d'art, marchand-e-s d’art, etc. Quelles sont les conditions de mobilités de la périphérie vers la centralité et inversement, voire entre périphéries? La marginalité se pose-t-elle comme une condition à la reconnaissance de l'artiste? Traiter des marges revient à traiter des mécanismes et des instances définissant la centralité et créant les marges. Il s'agira également ici de réfléchir à la nature des interactions entre institutions, qu'elles soient privées ou publiques, et les producteurs et productrices ou initiatives marginalisés. Les concepts d'innovation et de rupture sont devenus décisifs dans l'ensemble du champ de la production artistique contemporaine, largement relayés – à des degrés divers – par les institutions elles-mêmes : cette attente de "révolution permanente" ne remet-elle pas en question la nature des institutions et de ce fait le concept même de marge?

La question du passage et de la rupture ne doit pas masquer une certaine permanence des hiérarchies, notamment en termes de genre, de milieux sociaux, et dans les rapports Nord-Sud ou Est-Ouest, au niveau des producteurs comme des publics. Ce sont ces hiérarchies qu'un troisième axe de réflexion se propose d'aborder de manière centrale. Les problèmes qu'induisent ces hiérarchies implicites commencent à être soulevés par certains acteurs de l'art contemporain, influencés par des approches féministes et postcoloniales – en témoignent par exemple les choix curatoriaux des documenta, notamment ceux de Catherine David, directrice artistique de la documenta 10 (1997), de Okwui Enwezor pour la documenta 11 (2002) ou de Carolyn Christov-Bakargiev pour la documenta 13 (2012). A travers le titre « Intense proximité », Okwui Enwezor, commissaire de l’édition 2012 de la Triennale de Paris, pose également la question de la rencontre entre les échelles du local et de l’international. Dans ce cadre, on pourra, par exemple, porter son attention sur l’évaluation des politiques de démocratisation culturelle destinées à rendre l’art contemporain accessible à un public plus hétérogène, ou encore sur les phénomènes de biennalisation dans les pays du Sud. Plus généralement, on peut se demander dans quelle mesure la prise de conscience, voire la thématisation de ces problématiques interrogent la définition même de l'art contemporain.

Ce colloque s'adresse en priorité aux jeunes chercheur-es qui questionnent la notion de marges dans l'art contemporain. Il a pour objectif de proposer un espace de dialogue entre disciplines scientifiques, mais également entre chercheur-es confirmé-es et jeunes chercheur-es.

Les chercheur-es confirmé-es (Keynote speakers) sont les suivants : Jean-Michel Decroly (ULB - IGEAT Bruxelles), Bettina Gockel (Université de Zürich), Boris Grésillon (Université de Provence), Piotr Piotrowski (Adam Mickiewicz University, Poznań), Ulf Wuggenig (Leuphana Universität Lüneburg). La conférence inaugurale sera prononcée par Bettina Gockel le 9 octobre 2013 et aura pour titre « Potenziale der Peripherien. Lebensräume und Denkfiguren der Avantgarden des 19. und 20. Jahrhunderts ».

Modalités de soumission

Il est souhaitable que les communications s’inscrivent dans les trois axes de réflexions développés ci-dessus, mais elles peuvent également aborder d'autres problématiques en lien avec les enjeux soulevés par le titre du colloque. Le format des exposés prévus est de 30 minutes, suivies d’une discussion. Les communications peuvent avoir lieu en français, allemand et anglais. Il est souhaitable que les participant-e-s soient susceptibles de comprendre ces trois langues.

Les propositions de communication (avec titre, résumé de 500 mots, nom, prénom, statut, université, email), devront être envoyées à art.marges@gmail.com avant le 21 juin 2013.

Elles seront soumises aux membres du comité scientifique. Les résultats de la sélection seront communiqués aux auteur-es le 20 juillet 2013 au plus tard.

Comité scientifique

Peter Geimer (Freie Universität Berlin), Boris Grésillon (Université de Provence Aix-Marseille), Béatrice Joyeux-Prunel (École Normale Supérieure Paris), Bénédicte Savoy (Technische Universität Berlin), Patrice Veit (Centre Marc Bloch Berlin), Ulf Wuggenig (Leuphana Universität Lüneburg)

Comité d’organisation

Léa Barbisan (Centre Marc Bloch Berlin / Paris-Sorbonne), Camille Boichot (Géographie-Cités Paris), Maria Bremer (Freie Universität Berlin / Deutsches Forum für Kunstgeschichte Paris), Séverine Marguin (Centre Marc Bloch Berlin / Leuphana Universität Lüneburg / EHESS Paris)

Bibliographie


  • Belting, H., Buddensieg, A., Weibel, P., & Birken, J. (éd.) (2011) : Global Studies Mapping Contemporary Art and Culture. Ostfildern: Hatje Cantz.
  • Belting, H. (2005) : Szenarien der Moderne: Kunst und ihre offenen Grenze. Hamburg: Philo and Philo Fine Arts.
  • Bürger P. (1974) : Theorie der Avant-Garde. Frankfurt/Main: Suhrkamp.
  • Bydler, C. (2004) : The Global Art World, Inc.: On the globalization of contemporary art. Uppsala: Acta Universitatis Upsaliensis.
  • Enwezor, O. (2012): Intense Proximity. An Anthology of the Near and the Far [La Triennale 2012]. Paris : Artlys.
  • Foster H. (1985) : Recodings: Art, Spectacle, Cultural Politics. Bay Press.
  • Gockel, B. (2010): Die Pathologisierung des Künstlers. Künstlerlegenden der Moderne. Oldenbourg Akademie Verlag.
  • Grésillon, B. (2008) : « Ville et création artistique. Pour une autre approche de la géographie culturelle »  in Annales de Géographie, 2(660-661), pp. 179-198.
  • Heinich, N. (1998) : Le triple jeu de l'art contemporain. Sociologie des arts plastiques. Paris: Les Editions de Minuit.
  • Kaufmann, T. D.-C. (éd.) (2005) : Time and Place: the Geohistory of Art. Burlington, Vt : Ashgate.
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  • Krauss R.E. (1985) : The Originality of the Avant-Garde and Other Modernist Myths. MIT Press
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  • Wenzel, A.-L. (2011) : Grenzüberschreitungen in der Gegenwartskunst: ästhetische und philosophische Positionen. Bielefeld: Transcript-Verl.
  • Zahner N. T. (2006) : Die neuen Regeln der Kunst – Andy Warhol und der Umbau des Kunstbetriebs im 20. Jahrhundert. Frankfurt/Main: Campus Verlag
Date limite
  • le vendredi 21 juin 2013 à 18h
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