Espaces et nation

Constructions françaises du récit de l'Ouest américain au XIXe siècle

EHESS, s. 8  -  105 bd Raspail  -  75006 Paris

Thèse soutenue par Tangi Villerbu

Préparée sous la direction de François Weil

Président du jury : M. Dominique Kalifa, Professeur à l'université Paris-I

Jury : M. Jean-François Chanet, Professeur à l'université Lille-III
M. Jean Heffer, Directeur d'études à l'EHESS
M. Daniel Nordman, Directeur de recherche au CNRS

Spécialité : Histoire et civilisations

Au fil d'un large XIXe siècle plusieurs milieux produisent en France des récits de l'Ouest américain. Des voyageurs cherchent dans l'Ouest les traces de la construction d'une nation américaine. Des touristes, intégrés peu avant 1900 à un système industriel à visée nationaliste, font l'expérience des parc nationaux. D'autres Français ont envisagé de s'y installer : les migrants disent leurs échecs et leurs succès, les missionnaires se voient offrir la possibilité d'un dévouement christique à la foi. Alors que les romans de Cooper imprègnent tous les milieux, des savants se penchent sur l'Ouest. Certains peinent à y voir un élément important de l'identité américaine, d'autres croient au contraire y déceler l'essence de la nation. Mais la majorité des Français ne prend connaissance de l'Ouest que par la culture de masse, qui l'offre en abondance, tant dans le domaine visuel que dans le domaine littéraire.

De l'ensemble se dégage l'idée que la nation américaine se construit aussi en France, par le récit de l'Ouest américain. Ce récit est d'abord l'histoire de la conquête d'un espace qui doit être normalisé. Il faut donc exclure les autres, à commencer par les Indiens. Un récit alternatif, issu du roman populaire ou de missionnaires, s'oppose à cette conquête mais il est voué à l'échec. De surcroît, la définition de l'Ouest est complexe. « Américain » a priori, il n'est en fait qu'une création du Nord. Lorsque la région Ouest naît, il faut l'arrimer à la nation, ce qui ne peut s'opérer que par le commerce. Et encore le rapport ainsi créé semble-t-il colonial. Cependant la conquête de l'Ouest sert tout le long du siècle à attribuer aux Américains des traits nationaux : virilité, ou esprit démocratique transparaissent au travers des figures archétypales, le pionnier ou le cow-boy. Lorsqu'à la fin du siècle le modèle paraît s'épuiser, le récit au présent et au futur de l'Ouest donne naissance au récit au passé de la frontière, qui exalte les temps pionniers.

Space and nation. French narratives of the American West in the 19th century

During a long 19th century, many Frenchmen narrated what happened in the American West. Travellers were looking for evidence of the birth of an American nation. Tourists visited the national(ist) parks, industrialized natural spaces. Others wanted to settle: migrants narrated their failures and successes, missionaries could imitate Jesus Christ and die working for their faith. Fenimore Cooper's novels were read by everybody, but few scientists tried to know the West more seriously. Many failed to imagine the West could have been important to understand the American identity, but on the contrary some believed the nation born in the West. Nevertheless, most of the Frenchmen knew the West by what they could read in popular literature or see in the Wild West Shows.

The American nation born in France, as it born in the United States or in any other country. And the narrative of the West is in the heart of that process. It's the story of a region which had to become “normal", "American". The others have no right to live in the western memory. A counter-narrative existed, in mass culture or catholic writings, but it couldn't resist at the end of the 19th century. The West had to be "American", but it was created by the North, and not by the South, and only colonial trade bound it to the nation. The American nation born through the western story as a conquering, democratic and manly nation created by settlers and cow-boys. Nevertheless, at the end of the 19th century, this heroic West seems to disappear; the story seems to end. It is impossible to narrate the future of the West, so the "frontier" appear to narrate its glorious past.

Date
  • le lundi 7 juin 2004
Contact

Haut de page