Le religieux sur Internet

CNRS - Salle de conférences (RdC)  -  59, rue Pouchet  -  75017 Paris
Le moment du colloque Le  religieux sur Internet s’impose du fait de l’émergence de nouvelles générations du Web interactif (Web.2.0) et de la communication accrue des religions sur ces nouveaux médias. Le religieux sur Internet est devenu un sujet majeur d’actualité dont la presse se fait largement l’écho aujourd’hui (impact, dans les pays arabes, des blogs et réseaux sociaux dans la cristallisation des revendications sociales, politiques, religieuses, buzz mondial autour d’un film anti-musulman récemment posté sur YouTube, pour ne citer que quelques exemples récents). Ces phénomènes ont très rapidement produit des effets, aux proportions impressionnantes, dans la sphère politico-religieuse au niveau international. Ils montrent que la diffusion virtuelle prend effet dans le réel, et contribue à redéfinir les conceptions traditionnelles du temps et de l’espace, les rapports entre centre et périphérie, les relations de pouvoir et de genre.

Par ailleurs, le colloque Le religieux sur Internet prend place dans un contexte de transformation massive et jamais interrompue, à partir des années 1990, des technologies de l’information et de la communication. Au cours de ces années, Internet s’est développé dans tous les champs de l’espace public et de la vie sociale.

Si dans les premiers temps le web mettait à disposition des internautes des sites à consulter, nous sommes passés depuis quelques années à une deuxième phase beaucoup plus interactive, où l’usager prend lui aussi la parole à travers les forums et les réseaux sociaux et peut interagir sur des sites de reproduction virtuelle du monde réel (Second Life).

Le religieux participe pleinement de cette évolution. En effet, les religions se sont adaptées relativement rapidement à cette modernité technologique ou dans certains cas ont été pionnières en la matière. Aujourd’hui, le phénomène religieux – religions instituées ou religieux plus diffus – est pleinement présent sur la toile, Internet pouvant même devenir lui-même objet de croyance ou de culte.

Les chercheurs en sciences sociales ont commencé à prendre la mesure de ces nouveaux terrains qui s’offrent à eux et des changements culturels et sociaux induits par la prolifération des sites et réseaux, évalués, dans les années 1990, tantôt comme une chance jusque-là inégalée pour diffuser un message de manière quasi universelle, tantôt comme une mise en danger du lien social par un individualisme croissant. Or si les études sur ces thématiques se développent actuellement, celles qui concernent le religieux restent encore très peu nombreuses et éparses, en particulier en France.

L’objectif de ce colloque international est de rassembler pour la première fois en France des chercheurs français et étrangers (parmi lesquels les pionniers dans ce domaine de recherche), travaillant sur le sujet encore trop peu exploré des rapports entre Internet et religions. En outre, l’originalité de cette première manifestation est de ne pas se limiter à l’approche des seules sciences de la communication mais de réunir des spécialistes des différentes sciences sociales (sociologie, anthropologie, science politique, sciences de la communication, sémiologie, philosophie, histoire).

Visant à créer une dynamique et à structurer la recherche en France sur ces questions, ce colloque entend également être le prélude à la constitution d’un réseau international de chercheurs travaillant dans ce domaine, dont les laboratoires organisateurs seront les moteurs.

Dans ce colloque, il ne s’agit pas de faire un simple état des lieux de la présence et des usages du religieux sur Internet, mais de privilégier l’analyse en profondeur des relations entre l’un et l’autre, notamment par un aller-retour entre les sites et réseaux sociaux et la pratique de leurs usagers. Cette analyse implique aussi une réflexion méthodologique sur la manière dont le chercheur s’empare de ce nouveau terrain qu’est Internet – réflexion qui n’a encore jamais été menée dans le champ religieux.

Nous avons souhaité explorer les rapports entre le religieux et Internet dans divers contextes culturels, en n’oubliant pas de repérer pour chacun d’eux les représentations de l’espace et du temps et les usages de l’écrit et de l’image. Ces contextes concernent tant les religions instituées (christianisme dans ses multiples aspects, islam, judaïsme, orthodoxie, bouddhisme, hindouisme, etc.) que les nouveaux mouvements et groupements religieux (mouvement raélien, néo-paganismes, judéo-bouddhisme, nouveaux mouvements religieux japonais, etc.). Il s’agira d’étudier autant les expressions « centrales » de ces religions et groupement religieux que leurs contradictions, leurs oppositions, leurs dissidences et leurs fragmentations, puisque c’est aussi dans ce sens qu’Internet produit ses effets. Il s’agira aussi des fake cults présents sur Internet, dont l’effet surprenant est d’inverser le rapport entre réalité et virtualité.

Quatre axes principaux structureront les sessions du colloque :

1- Quel est l’impact d’Internet sur le religieux ? Redessiner le
paysage religieux.

S’agit-il d’un média de plus dans la diffusion des contenus, ou Internet produit-il des changements en profondeur et si oui dans quels domaines et de quelles façons ?

On envisage différentes questions :
- Le renforcement de l’ancrage local et de l’entre-soi
- A contrario, l’intensification de la globalisation religieuse
- L’émergence de nouveaux acteurs et la prise en compte du genre dans le nouveau paysage religieux
- Le statut d’Internet entre écrit et oral : les formes de la jurisprudence religieuse (fatwas, responsa…) et demandes de conseils sur les blogs, forums, réseaux sociaux…
- Internet conduit-il à la création de nouvelles religions ?

2- Des concepteurs aux usagers

S’il paraît aisé de dresser une analyse du contenu des sites qui sont à  notre disposition en raison de leur visibilité (par essence), il est indispensable de cerner la réception dont ils sont l’objet et les usages qui en sont faits, même si leur évaluation est a priori beaucoup moins évidente.

On envisage différentes questions :

- Qui sont les « concepteurs » (ceux qui créent ces sites – contenu et agencement) : institutions religieuses, leaders autoproclamés, mouvements radicaux… ?
- Comment les usagers investissent-ils ces espaces : type de participation, interactions entre internautes, usages directs ou détournés, liberté, contrainte, anonymat… ?
- Quels sont les effets du marketing et tous services religieux sur Internet ? (agences matrimoniales, géo-localisation de commerces religieux ou de lieux de culte, vente de produits religieux…)

3- Visibilité autorité du religieux online et offline.

- Qu’est ce qu’une institution religieuse, un courant religieux ou un leader religieux, donnent à voir d’eux-mêmes en termes de contenus, d’images, d’identités virtuelles… ?
- A quels publics s’adressent-ils ?
- Quelle place pour la régulation des sites et quels en sont les éventuels acteurs ?
- Cette question renvoie à celle de l’autorité et de la légitimité religieuses, des contre-pouvoirs, y compris des oppositions laïques, ou des dissidences. Elle renvoie aussi à la présence de plus en plus fragmentée d’acteurs hors des cadres institués.
- Elle permet en outre de soulever la question des rapports entre le religieux et le politique plus particulièrement en termes de déterritorialisation et d’expression des diasporas.

4- Du virtuel et du réel ; présence/absence des corps

- Quand et comment passe-t-on du virtuel au réel et inversement ?
- Comment définir la validité de l’opposition entre virtuel et réel ? Implications au niveau de l’organisation et de la perception du temps et de l’espace ? Statut de l’image sur Internet ?
- Présence/absence des corps dans un certain nombre d’activités religieuses : conversion, confession, rituels…
- Le religieux n’a-t-il pas toujours été en prise avec le virtuel, par la communication qu’il suppose avec le surnaturel ?
Date
  • du lundi 4 février 2013 à 09h au  mardi 5 février 2013 à 17h30
Contacts
  • Liliane Kuczynski (kuczynski@ivry.cnrs.fr)
    Laboratoire d'anthropologie urbaine/IIAC (UMR 8177)
    CNRS
    27 rue Paul Bert
    94204 Ivry sur Seine
  • Sophie NIzard (sonizard@hotmail.com)
    CEIFR (UMR 8216)
    10 rue Monsieur le Prince
    75006 Paris

Haut de page