Sous la direction de Michel Naepels
Les articles réunis dans ce volume de L’Homme, et qui coïncident, à un an près, avec le cinquantenaire de la revue (1961), ne sont ni à visée commémorative ni de portée comptable comme il en avait été en 1986 avec le numéro intitulé L’anthropologie : état des lieux. Ni bilan ni jubilé, ce numéro se veut le reflet, parfois le prisme ou l’aiguillon, de quelques tendances, interrogations, problèmes, débats que manifeste, rencontre ou développe l’anthropologie sociale en ce début du XXIe siècle. La tradition conceptuelle et méthodologique de cette discipline - renforcée par les enrichissements réflexifs suscités par les critiques féministes et post-coloniales - demeure productive dans l’analyse des sociétés : ce numéro de L’Homme souhaite en porter témoignage. Il présente des chantiers, des lignes de faille et de fracture, des bifurcations, des tensions théoriques et des contradictions aussi, plutôt que des champs, des sous-disciplines, des domaines et des tiroirs.
Ce volume traite de plusieurs questions : il aborde l’articulation de la singularité des cas ethnographiques et de leur compréhension dans un cadre plus général ; la question de la commune humanité en même temps que celle des divisions et des rapports de pouvoir qui la partagent, saisis à partir de la violence et des rapports sociaux de genre ; celle du post-colonial, de l’éventuelle "racialisation" des rapports sociaux et de l’émergence de la question de l’autochtonie. La thématique du symbolisme et des représentations est abordée en relation étroite avec les questions liées aux objets, au rituel et à la production d’émotions. Elles ouvrent sur la manière dont l’anthropologie aborde les œuvres artistiques, les émotions esthétiques et les effets pragmatiques des productions culturelles. Enfin, ce numéro cherche à porter son questionnement aux confins des disciplines en interrogeant les relations de l’anthropologie avec la philosophie et l’histoire de l’art comme avec l’histoire. Ces réflexions plus générales nous ramènent à la question spécifique des conditions d’enquête et de la nature des sources de l’anthropologie sociale, en tant qu’elle se fonde sur l’enquête ethnographique. Nous espérons ainsi montrer par ce parcours divers la richesse de l’anthropologie contemporaine.
Michel Naepels, Un perpétuel principe d’inquiétude