Ces journées d’étude proposent d’effectuer un retour réflexif et critique sur le processus de constitution de l’enfance et des enfants comme objets d’étude à part entière. Nous souhaitons notamment interroger l’histoire et la nature de leur inscription disciplinaire ainsi que l’émergence d’approches pluri ou non disciplinaires qui cherchent à définir, explicitement ou en creux, l'enfance comme un nouveau champ de recherche.
L’enfance et les enfants appartiennent en réalité depuis longtemps au paysage des sciences humaines et sociales, mais ils ont été investis à des degrés et selon des modalités qui varient selon les disciplines. Historiquement, les premières à s'y être intéressées et à avoir marqué leur empreinte sur toutes les autres relèvent de diverses approches psychologiques, psychanalytiques et pédagogiques.
Cependant, un nombre croissant de disciplines – anthropologie, histoire, sociologie et, plus récemment science politique ou encore géographie– ont revendiqué, à différents moments, la pertinence de leur approche spécifique en ce domaine.
De nombreuses disciplines ont désormais démontré qu’elles pouvaient à bon escient s’approprier l’objet « enfance ». Cependant, la diversité de leurs approches, de leurs théories, de leurs questionnements, de leurs méthodes et de leurs résultats appelle à questionner l’unité voire la validité, de cet objet et à se demander jusqu’à quel point il est véritablement « bon à (et bon pour) penser ». Les enfants des psychologues du développement, dont les aptitudes sont testées dans le cadre d’expérimentations, sont-ils les mêmes que ceux des anthropologues, observés dans leur cadre de vie quotidien ? Parle-t-on des mêmes enfants quand on cherche à démontrer la relativité et l’historicité du concept d’enfance ainsi que le font de diverses manières anthropologues, sociologues et historiens, ou quand on affirme la nécessité d’un passage d’une recherche sur les enfants et l’enfance à une recherche avec les enfants, où ceux-ci sont considérés comme sujets de droits et interlocuteurs légitimes ?
Pourtant, en dépit, ou peut-être à cause de la nature polyèdre, et donc fragile, de cet objet dont un angle d’approche unique semble incapable de saisir la complexité, l’enfance semble progressivement s’affirmer comme champ de recherche à part entière. Ce processus prend des formes diverses allant de l’émergence de « sous-disciplines » (anthropologie, sociologie, histoire, etc. de l’enfance)
à la dissolution disciplinaire ou à l'interdisciplinarité propre, par exemple, aux Childhood Studies anglo-saxonnes, en passant par la création de disciplines hybrides comme la psychologie interculturelle ou l’anthropologie cognitive ou par l’existence de fédérations pluri- ou inter-disciplinaires sous la forme de
séminaires ou encore de collections éditoriales.
L’intérêt de plus en plus marqué pour un dépassement du cadre disciplinaire excède bien évidemment le domaine de l’enfance. On peut même se demander s'il ne se joue pas là une redéfinition en profondeur de l'organisation scientifique qui verrait le thème de recherche confédérer des intérêts autrefois défendus dans et par le cadre du partage disciplinaire. La nature de ces intérêts, scientifique,
institutionnel, idéologique, pratique..., ainsi que la valeur heuristique de cette redéfinition des modalités de production des savoirs demandent à être éclaircies. Dans le cas de l’enfance et des enfants, on retrouve ainsi nettement, au moins dans la production de langue anglaise, la dimension politique présente dans d’autres champs de recherche liés à la reconnaissance et à la défense des droits d’une population dont la spécificité est de la sorte affirmée. Nous pensons notamment aux disability studies, queer studies, gender studies, feminist studies et autres subaltern studies ; une différence certainement cruciale étant que, dans le cas des enfants, ils ne sont pas eux-mêmes à l’origine de cette initiative. Une demande croissante pour la recherche-action, une exigence d’applicabilité des résultats de la recherche, figurent peut-être également au nombre des raisons expliquant que le thème de recherche joue le rôle d’opérateur de pensée autrefois dévolu aux disciplines.
À quelle discipline appartiennent donc les enfants ? Qu’en ont fait les différentes disciplines qui s’y sont intéressées ? Qu’ont fait, en retour, les enfants aux disciplines qui les ont étudiés ? Pourquoi cet objet semble-t-il, de nos jours, appeler à une collaboration interdisciplinaire voire à un effacement des frontières disciplinaires ? Quels sont les bénéfices et les périls de ces redéfinitions, quand elles existent, du fonctionnement de la recherche ? Comment, finalement, les enfants circulent-ils entre,
parmi et au-delà des disciplines ?
Les intervenants intéressés par les processus décrits dans cet appel, qu’ils en aient été témoins, participants ou analystes, sont invités à faire part de leurs réflexions sur leurs formes, leur histoire, leurs succès et leurs revers et, plus généralement, sur leurs implications concernant les pratiques et les redéfinitions théoriques de la recherche. Les organisateurs encouragent les chercheurs et doctorants de différentes disciplines (anthropologie, histoire, sociologie, droit, psychologie, sciences de l'éducation, sciences cognitives, etc.), mais aussi les membres d'organisations qui travaillent sur l'enfance, à proposer des communications.
Les propositions à faire parvenir aux organisateurs comprendront entre 500 et 600 mots, et devront être déposées sur le site http://jediscenf2013.sciencesconf.org, au plus tard le 15 janvier 2013. Les auteurs des propositions retenues en seront informés fin février 2013, ainsi que des modalités pratiques de la journée d'études. Veuillez contacter les organisateurs pour toute autre information concernant
cet appel à communication et la journée d’étude @ sciencenfance@gmail.com.