Terrains d'écriture

Terrains d’écrivains. Littérature et ethnographie

Sous la direction d’Alban Bensa et de François Pouillon.

Image1Ce livre présente des regards croisés, des jeux de miroirs qui réfléchissent l’anthropologie à l’épreuve de la littérature – et inversement. Car ce qui fait l’anthropologie, c’est d’abord le terrain, et, à l’autre bout de la production du savoir, l’écriture. Or il est aujourd’hui de bon ton de revenir sur ce mélange des genres, et d’aller faire croire que tout ne serait plus que littérature et, en premier chef, l’ethnologie, commodément tenue pour un livre ouvert ordonnant en catégories bien lisses les rugosités du monde. Adieu voyages, tout a été dit.

Afin de tester cette hypothèse du tout littéraire, douze chercheurs en sciences sociales se sont rendus sur les terrains variés de douze écrivains, abordant ces figures du panthéon littéraire en collègues. Dans le désordre, Montaigne, Pouchkine, Flaubert, Camus, Céline, George Sand, Virginia Woolf, Montherlant, Lamartine, Nerval, Rimbaud et Rudyard Kipling ont été successivement sollicités.

À visiter ainsi l’atelier d’écriture de chacun d’eux, on découvre en effet une expérience du monde – des mondes –, une façon de s’exposer face aux choses et aux personnes, un souci de l’observation, du questionnement, de la documentation, une volonté en somme, si modeste soit-elle, de conduire une enquête – en Orient, en Éthiopie, en terre cosaque, dans le Berry rural, dans la société victorienne at home ou dans l’Empire des Indes.

Le matériau ainsi assemblé par les écrivains témoigne de ce qui souvent disparaît chez les ethnologues : la composante personnelle de l’enquête, la part du hasard, les frustrations ou les avanies dans les rencontres. En sorte que l’élaboration de l’œuvre littéraire, par-delà tout talent d’écriture, paraît bien procéder de la transmutation de ce matériau avec la volonté de traduire, dans sa complexité, sa vérité et son émotion, l’expérience vécue du dépaysement.

Les éclairages croisés mis en place dans ces études jettent donc une lumière singulière sur les processus de l’enquête. Ni l’anthropologie, ni la littérature ne peuvent s’en passer, mais au contraire sont tributaires, de bien des façons, de ses aléas.

Recentrant la focale sur les écrivains ramenés à l’ordinaire de l’expérience humaine, cet ouvrage met finalement en question la pratique des ethnologues et des écrivains et, au-delà, les reconstructions des théoriciens de l’ethnographie et de l’écriture littéraire. Un exercice réflexif qui nourrit de façon inédite et féconde la difficile question de notre relation à ce que l’on appelle, faute de mieux, "le réel".

Ont participé à cet ouvrage : Bernard Traimond, Wladimir Bérélowitch, Rose-Marie Lagrave, Dominique Casajus, Clémentine Gutron, Jackie Assayag, Renée Champion, Emmanuel Terray, Corinne Cauvin Verner et Michèle Sellès Lefranc.

  • Anacharsis, collection Essais, novembre 2012. ISBN : 978-2914777773. 25,00 €

Date
  • le mardi 9 octobre 2012
Contact
Url de référence

Haut de page