Saint-Louis du Sénégal et La Nouvelle-Orléans : Histoire comparée et croisée de deux cités portuaires de part et d’autre de l’Atlantique du XVIIe au XXIe siècle

Université Gaston Berger
Colloques internationaux « Saint-Louis du Sénégal et La Nouvelle-Orléans : Histoire comparée et croisée de deux cités portuaires de part et d’autre de l’Atlantique du XVIIe au XXIe siècle », organisés à Saint-Louis du Sénégal les 4-7 juin 2012 et à La Nouvelle-Orléans les 23-25 avril 2013,  par Emily Clark,Tulane University, Ibrahima Thioub, Université Cheikh Anta Diop, et Cécile Vidal, EHESS, MASCIPO,   en partenariat exclusif avec Radio France Internationale.

Fondées respectivement en 1659 et en 1718 à proximité de l’embouchure des fleuves Sénégal et Mississippi, Saint-Louis et La Nouvelle-Orléans constituent deux villes importantes du monde atlantique, de la diaspora africaine et de l’empire français du XVIIe au XXe siècle. Elles partagent une histoire commune autour de la traite, de l’esclavage et de la colonisation française. Il existe ainsi de nombreuses connections et résonances entre l’histoire des deux cités portuaires. Entre 1659 et 1779, Saint-Louis fut le siège d’une série de compagnies de commerce qui approvisionnèrent les colonies françaises des Amériques avec des esclaves africains. Au moment en particulier où la Compagnie des Indes détenait en même temps le monopole commercial du comptoir sénégalais et de la colonie louisianaise, des centaines d’hommes et de femmes qui commencèrent le passage du milieu à Saint-Louis furent débarqués dans la capitale louisianaise. Par comparaison, les migrations de France vers La Nouvelle-Orléans et surtout vers Saint-Louis furent relativement peu importantes, à l’exception, dans le cas louisianais, de la première moitié du XIXe siècle. Ces migrations volontaires et forcées donnèrent naissance à des cultures impériale et diasporique, qui se reflètent par exemple dans le patrimoine architectural et urbanistique des deux villes ou les origines sénégambiennes des musiques africaines américaines en Louisiane. Elles favorisèrent aussi l’essor du métissage dans les deux sociétés urbaines. Celui-ci prit notamment la forme d’unions durables ressemblant à des quasi-mariages. Les discours essentialisant et racialisant qui se développèrent très précocement sur les signares de Saint-Louis et les quadroons de La Nouvelle-Orléans continuent à nourrir une vision exceptionnaliste de l’histoire des deux cités.

L’histoire  des deux villes fut également marquée par les rivalités impériales et la succession de différentes souverainetés entre la France et l’Angleterre, ainsi que l’Espagne dans le cas louisianais, avant que La Nouvelle-Orléans ne fût définitivement intégrée aux États-Unis en 1803 et Saint-Louis à l’empire français aux termes des bouleversements de l’ère révolutionnaire (jusqu’à l’indépendance du Sénégal en 1960). Auparavant, Saint-Louis n’était qu’un comptoir de traite et La Nouvelle-Orléans la capitale d’une colonie tardivement fondée et isolée qui peinait à se développer. C’est seulement au XIXe siècle que les deux villes connurent leur apogée démographique et économique en relation avec l’essor économique des États-Unis après leur indépendance et le déplacement de la colonisation des Amériques à l’Afrique : avec le développement de la navigation à vapeur sur le Mississippi, La Nouvelle-Orléans devint le second port états-unien après New York, tandis que Saint-Louis était promue capitale de la colonie du Sénégal avant de devenir pour quelques années, entre 1895 et 1902, celle de l’Afrique Occidentale Française. De la même façon, les deux villes connurent pareillement un déclin relatif à partir de la seconde moitié du XIXe siècle : avec le développement des chemins de fer transcontinentaux après la guerre de Sécession pour La Nouvelle-Orléans et avec le déclin du commerce de la gomme sur le fleuve Sénégal, l’essor de l’économie arachidière et l’avènement de Dakar comme capitale coloniale au début du XXe siècle au détriment de Saint-Louis.

C’est dans ces premières décennies du XXe siècle que le rapport des deux villes à l’identité et à la culture française divergea de manière radicale. Alors qu’en 1916 la citoyenneté française pleine et entière était reconnue aux habitants de Saint-Louis, l’enseignement en langue française était interdit en Louisiane en 1921. Malgré le difficile processus d’américanisation de la Louisiane, La Nouvelle-Orléans était pourtant demeurée pendant longtemps une ville « française » en raison de l’importance des migrations de francophones dans les premières décennies du XIXe siècle, mais la traite interne des esclaves anglophones et l’arrivée en masse de migrants allemands et irlandais avaient changé le rapport démographique entre francophones et anglophones. De son côté, dès 1872, Saint-Louis avait obtenu en même temps que Gorée, puis Rufisque en 1880 et Dakar en 1887, le statut de commune française de plein exercice qui conférait à ses habitants un statut exceptionnel au sein de l’empire français. Ce privilège était le fruit de décennies de revendications de la part des habitants de la ville, comme en témoigne notamment le cahier de doléances des Saint-Louisiens aux États Généraux en 1789. Aussi Léopold Sédar Senghor a-t-il pu écrire que « Saint-Louis a donné naissance à la nation sénégalaise », accordant à la ville une place centrale dans l’histoire  nationale sénégalaise, quand l’histoire louisianaise occupe toujours  a contrario une place marginale au sein de l’histoire nationale américaine.

Les deux colloques internationaux chercheront ainsi à mettre en miroir Saint-Louis et La Nouvelle-Orléans pour mieux analyser leur histoire à la fois commune et distincte autour des thèmes suivants : ville et urbanité ; État, colonie et empire ; citoyenneté et territoire ; traite et esclavage ; métissage et race ; migrations et identités sociales, ethniques et raciales ; musique et transferts culturels. Une attention particulière sera portée à la manière dont les discours historiques et mémoriels sur les deux villes, qui se font échos, se sont construits.

Les articles pré-circuleront. Ils ne donneront lieu à aucune présentation. Discutés une première fois à Saint-Louis, ils seront ensuite retravaillés et rediscutés à La Nouvelle-Orléans. L’objectif est de mettre en pratique de la sorte une réelle histoire comparée et croisée des deux villes et de parvenir à deux ouvrages collectifs, l’un en français et l’autre en anglais, dans lesquels les articles sur chacune des deux cités dialoguent véritablement entre eux. Les langues des deux colloques sont le français et l’anglais.

La musique  constituant une dimension essentielle de la culture de chacune des deux villes et un vecteur privilégié d’influence culturelle – imaginaire ou réelle – entre elles, les deux colloques accorderont une place importante à ce thème et feront intervenir des musiciens sénégalais et louisianais. À Saint-Louis du Sénégal, seront présents deux joueurs de xalam traditionnel, Demma Dia et Yéro Dia, originaires de Njum Waalo, dans le delta intérieur du Sénégal, ainsi que Vieux Mac Faye, guitariste de jazz sénégalais, avec son groupe de sept musiciens, et Larry Garner, guitariste de blues louisianais. Ils seront interviewés par Joyce Jackson, Louisiana State University, et Ibrahima Seck, Université Cheikh Anta Diop, et feront des démonstrations musicales lors de la dernière séance du colloque, puis ils donneront ensemble un concert de clôture dans la soirée du 7 juin 2012.

Organisé en  partenariat exclusif avec RFI, chaque colloque sera suivi d’une émission de La Marche du Monde par Valérie Nivelon. Cette année, la diffusion est programmée le 23 juin 2012 sur l’antenne Afrique et le 24 juin 2012 sur l’antenne monde. Un livre sonore en-coédition avec RFI sera également produit à l’issue des deux colloques.

Programme du premier colloque à l’Université Gaston Berger à Saint-Louis du Sénégal les 4-7 juin 2012        

Le colloque de Saint-Louis bénéficie du soutien institutionnel et financier de :  Université Cheikh Anta Diop,   Université Gaston Berger,   Centre africain de recherches sur les traites et les esclavages,   Service de coopération et d’action culturelle de l’ambassade de France à Dakar,   Embassy of the United States à Dakar,   Bureau Afrique de l’Ouest de l’Agence universitaire de la francophonie,   Conseil régional de Saint-Louis du Sénégal,   Ville de Saint-Louis du Sénégal,   École des hautes études en sciences sociales,   Centre d’études nord-américaines,   MASCIPO-UMR 8168 (CNRS/EHESS),   Centre de recherches sur le Brésil contemporain,   Ministère chargé de l’Outre-mer,   Comité pour la mémoire et l’histoire de l’esclavage,   Institut des Amériques,   Tulane University,   New Orleans Gulf South Center,   ainsi que d’une donation d'Alan Lawrence en mémoire de James E. Hailer, Tulane BA 1989.       Lundi 04 juin 2012   Amphithéâtre de l’Université Gaston Berger       17h00-19h00 : Ouverture officielle du colloque   Interventions de :   - Pr. Ibrahima Thioub, Directeur du Département d’Histoire de l’Université Cheikh Anta Diop et co-organisateur du colloque   - Représentant de l’Agence Universitaire de la Francophonie   - M. Jean-Luc Lebras, représentant du Service de Coopération et d’Action Culturelle de l’Ambassade de France à Dakar   - Représentant de l’Ambassade des États-Unis à Dakar   - Pr. Saliou Ndiaye, Recteur de l’Université Cheikh Anta Diop   - Pr. Mary Teuw Niane, Recteur de l'Université Gaston Berger   - M. Aliou Niang, Président du Conseil Régional de Saint-Louis du Sénégal   - M. Cheikh Abiboulaye Dièye, Maire de Saint-Louis du Sénégal   - M. Serigne Mbaye Thiam, Représentant du Ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique   - Mme Valérie Nivelon, journaliste à Radio France Internationale

Pour plus de renseignements : eclark@tulane.edu, tekrur@refer.sn, cecile.vidal@ehess.fr

Le programme et l’affiche du colloque sont disponibles en ligne : http://www.ehess.fr/cena/colloques/2012/saintlouis.html

Date
  • du lundi 4 juin 2012 à 17h au  jeudi 7 juin 2012 à 23h
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