Résumé :
Ce travail entend rendre compte de l’émergence au Mali depuis les années 1990 de formes de protestation, d’organisation et de mobilisation collectives propres aux migrants expulsés. Elles concernent à la fois la création de lieux, foyers ou ghettos, destinés à constituer un abri, à assurer la subsistance et à faciliter les déplacements des migrants dans la phase consécutive à leur
expulsion, et la formation d’associations, par le biais desquelles des formules d’accueil se mettent en place et une protestation politique s’organise. Dans ce contexte de l’après-expulsion, les expulsés occupent une place majeure. L’exigence de la survie, l’abandon de l’Etat, prennent d’emblée une forme
politique. Du lieu de leur rejet, ils tentent d’imposer une figure inédite, celle de l’expulsé, qui exprime l’humiliation et la colère, mais s’impose également comme un nouvel acteur dans le champ politique et social. L’aspiration à l’autonomie des expulsés organisés collectivement entretient avec les institutions politiques et lesorganisations humanitaires, récemment investies sur la question du retour des
immigrés, des rapports d’antagonisme, de tension mais aussi de complémentarité.
La progressive constitution d’un champ de l’après-expulsion au Mali, dans lequel les initiatives propres aux expulsés se tiennent à l’écart, s’opposent ou rejoignent les préoccupations des ONG occidentales et des institutions politiques, permet d’aborder les enjeux des politiques et des pratiques d’expulsion,
non pas seulement du point de vue des Etats où elles sont mises en œuvre, mais aussi par le biais de leur impact social et politique dans les Etats d’émigration.