Le concept de «voile d'ignorance» dans la philosophie de John Rawls

EHESS, s. 1  -  105 bd Raspail  -  75006 Paris

Thèse soutenue par Speranta Dumitru

Préparée sous la direction de Monique Canto-Sperber

Président du jury : M. Olivier Cayla, Directeur d'études à l'EHESS

Jury : M. Marc Fleubaey, Professeur à l'université de Pau
M. Bertrand Guillarme, Professeur à l'université Paris-VIII
M. Ruwen Ogien, Directeur de recherche au CNRS

Spécialité : Études politiques

John Rawls (1921-2002) a soutenu que les principes de la justice doivent être choisis derrière un « voile d'ignorance », c'est-à-dire sans que personne ne connaisse ni sa place dans la société, ni ses talents ni sa conception du bien. Cette thèse montre que fonder la justice sur l'idée du voile d'ignorance est une entreprise tant vaine que problématique. Premièrement, son inutilité tient à l'impossibilité de dériver les deux principes de Rawls et, plus généralement, de soutenir une position égalitaire. Aux démonstrations des économistes, cette thèse ajoute une observation épistémologique : pour que l'ignorance puisse constituer une prémisse pour la dérivation des principes, elle doit toujours être traduite en une forme de savoir. Comme les arguments fondés sur l'ignorance sont indirects, la justification des principes serait plus solide si elle procédait à partir de ce savoir même. En second lieu, on montre que le voile d'ignorance rawlsien a un caractère problématique si l'on juge selon les intuitions qu'il engage. Cette dissertation montre, par exemple, que l'idée selon laquelle la répartition des talents serait le fruit du « hasard naturel », malgré son apparence intuitive, est difficilement défendable. De même, il n'est pas suffisant, selon les arguments présentés ici, de choisir les principes de la justice derrière un voile d'ignorance pour garantir leur équité.

John Rawls (1921-2002) has argued that principles of justice are to be chosen behind a veil of ignorance, that is, without any knowledge of one's place in society, including one's talents and one's conception of good. The present dissertation shows that grounding justice on the veil of ignorance is not only useless but problematic. Firstly, the uselessness is evidenced by the impossibility of deducing the two rawlsian principles and, more generally, of an egalitarian principle. Building on the economists' proofs, we observe that for ignorance be the premise of an argument, it is always necessary to translate the absence of belief into an existing form of belief. Since arguments based on ignorance are indirect and useless it seems clear that one is better off working from the more solid foundation of the existing belief. Secondly, the dissertation argues that underlying intuitions of the veil of ignorance are problematic. It is shown, for instance, that viewing talents as a result of « natural lottery », is an idea barely defensible despite its intuitive appeal. It is also argued that a veil of ignornace is not sufficient to insure the fairness of the principles thus chosen.

Date
  • le vendredi 22 octobre 2004
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