Jérôme Clays soutient sa thèse de doctorat en sociologie le lundi 3 mai 2010 à 9 h 30 à l'EHESS, salle Maurice et Denys Lombard, 96 boulevard Raspail 75006 Paris.
Jury
- Anne BARRERE, Professeur à l'Université de Paris V (rapporteur)
- Richard DESCOINGS, Directeur de Science Po Paris
- François DUBET, Directeur d'études à l'EHESS (directeur de la thèse)
- Yves DUTERCQ, Professeur à l'Université de Nantes (président)
- Pierre MERLE, Professeur à l'IUFM de Bretagne (rapporteur)
Résumé
Nous avons tous été élèves. Quels
élèves ? Nous avons fréquenté l’école. Qu’y avons-nous appris ? Nous
avons passé des milliers d’heures en classe. À faire quoi ? Nous ne le
savons plus. L’avons-nous jamais su ?
L’école n’est pas un monde à
part, coupé du monde. Elle abrite une vie sociale qui n’a rien à envier à la
vie active. Les enseignants et les élèves y nouent des rapports sociaux. Ils y
exercent un métier. Ils forment une société des élèves et une société des
enseignants. Ils vivent au sein d’une organisation. Ils y font certaines
expériences. Comme tout le monde.
L’école n’est pas ce que l’on
croit. Elle passe pour une institution en crise. Elle est plutôt un milieu en
construction. Elle est souvent idéalisée ou décriée. Elle est rarement observée
pour ce qu’elle est. Loin de la dérégulation : les attentes de rôles, les
rituels, le contrôle social. Sous la modernité : les traditions, les
cultures. En-deçà des procédures administratives : les usages, la
déviance, le relationnel. Dans l’organisation : des communautés, des
réseaux. À côté des disciplines scolaires : des croyances, des mythes, des
symboles.
L’école doit être regardée
autrement. Comme elle est, d’en bas, de près.
Les rapports profs-élèves sont un
jeu de rôles, un rapport de force, une relation de travail, une rencontre
interculturelle, une relation humaine avec tout ce que cela comporte.
Une société des élèves s’élabore
au cœur de l’école. Organisée. Hiérarchisée. Fragmentée. Intégrée. Régulée.
Fusionnelle. Conflictuelle. Folklorique. Avec ses personnages (le vrai
gamin, le fayot, le bourge, le mytho, le touriste). Son tissu social, fait d’élèves isolés (les sans amis, les
cas sociaux), de duos (ma besta sista,
toujours là pour moi), de petits groupes
fermés (la Ligue des beaux gosses, les Madames), de confréries (les footeux, les joueurs
à Counterstrike). Son quotidien partagé (ça
parle trop dans le dos, ça s’fait pas, on a trop d’trucs à faire). Ses vies sentimentales compliquées (mater,
se taper des films, être à fond dedans, sortir avec).
La société des enseignants n’est
pas si différente de celle des élèves. Organisée. Fragmentée. Intégrée.
Régulée. Avec ses liens sociaux affirmés (la communauté éducative). Ses rapports sociaux réels (ça reste
superficiel, il y a des clans, c’est assez convivial tout de même, quelques collègues sont aussi des amis). Ses réunions formelles imposées, pas toujours
appréciées (la réunionite),
ritualisées (les grands messes).
Ses échanges informels, intenses mais sous-estimés (t’en es où du
programme ?).
Cette thèse tente de changer
notre regard sur l’école. Elle montre que l’école est un lieu d’éducation, de
transmission, de socialisation. Mais pas celui qu’on croit. On construit
l’école et on s’y construit. Voici comment.
Abstract
We were all
students. Which students? We attended school. What did we learn? We spent thousands of hours in class. Doing
what? We do not know anymore. Did we ever know?
School is not a
separate world, cut off from the world. It is home to a social life that has
nothing to envy the working life. Teachers and students have social
relations. They exercise a profession. They make up a
society of students and a society of teachers. They live
within an organization. They make experiences. Like everyone else.
School is not what
we think. It is regarded as an institution in crisis. It is rather a world in construction. It is
often idealized or criticized. It is seldom seen
as it really is. School should be considered
differently : as it is, within students and teachers, more closely.
Teacher-student
relations are a role playing game, a power relationship,
a working relationship, an inter-cultural encounter, an affective relationship
with everything that is involved.
A society of
students and a society of teachers are built within school. They are not so
different from one another. Organized. Fragmented. Integrated. Regulated.
Conflictual. Folk.
This thesis tries
to change our view on school. It shows that school is a place of education,
transmission, socialization. But not the one we think. We make school, and we
develop our personalities in school. Here is how.