Compilations et classiques: quels liens entre les types de sources de l'historien et le contexte de l'enseignement ?

Salle de séminaire CAPHES/DEC (salle 91), ENS, 29 rue d'Ulm, Paris

Journée d'étude commune REHESEIS - PRI le 13 mars 2008, 10h-19h , Salle de séminaire, Centre d'Archives de Philosophie, d'Histoire et d'Édition des Sciences/DEC (salle 91), 29 rue d'Ulm, 75005 Paris

Depuis maintenant trois ans, nous organisons une série de journées d’études sur le thème général de la constitution des corpus scientifiques dans un contexte d’enseignement. Les textes auxquels nous nous sommes intéressés au départ appartiennent à des corpus antiques et médiévaux et sont relatifs aux mathématiques. Cette orientation est due pour l’essentiel à nos domaines de recherches respectifs. Si toutefois nous avons organisé ces journées, en invitant des collègues à nous faire part de leurs travaux sur des périodes ou des disciplines éventuellement différentes des nôtres, c’est en raison d’une problématique commune dont l’intérêt dépasse largement les corpus particuliers que nous étudions nous-mêmes.

Lors de nos précédentes journées d’étude, en 2006 comme en 2007 nos réflexions sur l’interprétation de certains textes scientifiques dans un éventuel contexte d’enseignement, ont buté à plusieurs reprises sur un problème d’interprétation du statut, de la nature ou de l’usage des textes que l’historien peut être tenté d’interpréter dans un contexte d’enseignement. Il nous est apparu que certains textes avaient été élaborés ou utilisés (ou les deux) dans un contexte d’enseignement, mais que les historiens qui les avaient étudiés avaient peu tenu compte de cet environnement ; à l’inverse, il s’avère parfois que la raison d’être et le devenir de textes habituellement considérés comme pédagogiques doit s’interpréter de toute autre façon.

Dans nos discussions, il est apparu naturel et nécessaire de qualifier la nature de ces textes en fonction de leur contexte d’apparition ou d’usage, sachant que ces qualifications indiquent d’emblée un certain type d’interprétation. Au moins deux grandes catégories ont ainsi été utilisées et débattues, celle de compilation et celle de classique. Nous avons été intéressés par le fait que ces deux catégories sont souvent associées et qu’elles ont été utilisées aussi bien pour la Chine, l’Inde, la Mésopotamie, la Grèce et l’Europe médiévale.

Nous proposons de partir de premières définitions qui nous paraissent usuelles, pour ensuite les questionner. Une compilation peut désigner un recueil de textes pris à différentes sources, mais aussi un mode d’élaboration de texte qui consiste à puiser à différentes sources ; ce processus peut répondre à un projet identifiable ou non, et dans le cas où il l’est ce projet peut avoir ou non un rapport à l’enseignement. Un classique est plutôt un texte ou un recueil de texte qui par définition sert de référence dans un contexte d’enseignement : ainsi, dans le sens restreint que le terme prend aux 16è et 17è siècles dans la tradition rhétorique, un classique est-il un texte qui peut servir de modèle dans des exercices d’écriture ou de composition fondés sur l’imitation, ou bien (sans contradiction) qui est étudié dans les classes. Dans un sens plus général et dérivé, la notion de classique renvoie souvent pour l’historien à des textes de référence dans un contexte d’enseignement ; le rapport à l’enseignement semble donc intrinsèque à la notion elle-même. Pour ce qui est des processus de compilation, le lien avec l’enseignement est possible mais pas systématique.

Ces catégories sont peut-être grossières, mais on voit bien qu’elles ont au moins le mérite de permettre de réfléchir au dilemme rapporté plus haut. Plusieurs questions se posent alors, que nous aimerions soumettre aux participants et intervenants de la journée du 13 mars :

  • Si ces catégories paraissent trop grossières, pour quelle raison et comment alors faut-il les affiner ? Qu’entend-t-on en particulier par ‘compilation’ et ‘classique’ au-delà de la définition générale proposée ci-dessus ? Ou bien faut-il encore d’autres catégories et lesquelles ?
  • Que faut-il entendre précisément par ‘compilation’ ? Si l’on choisit en effet de partir de l’analyse de processus de compilation dans différents contextes (Chine, Inde, Mésopotamie, Grèce, Europe médiévale), quelle est la nature de ce processus ? Quel lien a-t-il (ou non) avec la fabrication des textes d'enseignement ?
  • Que faut-il entendre précisément par ‘classique’ ? Outre le sens particulier que la notion pour nous générale avait dans le contexte de la rhétorique, dans quel autre sens, suivant le contexte, et en référence à quel type d’exercice pédagogique et intellectuel, peut-on parler de classique ?
  • Dans l’esprit de notre journée d’étude du 7 février, nous souhaiterions que les collègues invités discutent autant que possible de ces questions sur un ou plusieurs exemples concrets.

Florence Bretelle-Establet (CNRS, REHSEIS), Compiler et enseigner la médecine en Chine au XVIIIe siècle : étude comparative du Miroir d'Or de la Médecine (Yuzuan yizong jinjian, 1742) et du Marchepied pour la médecine (Yibian, 1751)
Eva Caianiello (EHESS), Quelle est la nature du Liber Abbaci de Léonard de Pise?
Philippe Clancier (Université de Cambridge), Compilation et canons en Mésopotamie : un lien à l'enseignement ?
Alain Bernard, Quel est le statut des compilations présentes dans le commentaire d'Eutocius a Archimède?




Date
  • le jeudi 13 mars 2008 à 10h

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