Écrire la ville, exercices littéraires et pratiques ethnographiques,

EHESS, salle des artistes  -  96, boulevard Raspail  -  75006 Paris

Atelier du GTMS-EHESS. Anthropologie, villes et architectures

 Intervenant : Michel Collot, professeur de littérature à l'université Paris III, Sorbonne nouvelle.

La séance aura pour vocation de rendre compte des processus de mise en écriture des villes, des lieux et des formes architecturales déployés dans la littérature et l'ethnologie. Il s'agira de mettre en évidence, dans ces deux champs à vocation distincte, les modalités de construction d'un lieu d'écriture commun fait par des jeux nerveux d'emprunts réciproques, du point de vue de la forme et des pratiques. Ce mécanisme tissant des liens entre exercice littéraire et pratiques ethnographiques ne fait que rendre manifeste l'idée de porosité disciplinaire.
L'anthropologie --plus précisément une anthropologie de l'action-- emprunte une série d' outils formels au champ de la littérature, pour rendre compte de ses spécificités. Soucieuse de montrer le réel, les processus, les pratiques quotidiennes et les actions qui se déploient dans le monde social elle n'entend pas se concentrer sur la restitution des ordres symboliques et s'accommoder de l'utilisation d' un « temps immobile de l'ethnologie » vidé de toute dimension temporelle. Elle s'engage ainsi à réintroduite l'histoire et la notion de temporalité et par là même, la narration, le récit à la première personne, un « je » porté par l'ethnologue, la chronique, ainsi qu'un travail de description minutieuse. Ces éléments ne sont pas sans rappeler l'analyse de faits à petite échelle et la « méthode indiciaire » de Ginzburg ainsi que les exercices formels de Musil dans L'Homme sans qualités.
Parallèlement l'écrivain et le poète dans le même souci de restituer des éléments du réel, s'attachant à l'expérience concrète de la ville et refusant le déni du visible et des effets de représentation, se saisit des postures de l'ethnographe. Dans « La Clôture », Jean Rolin procède à un état des lieux précis, en récoltant les données sur place pour procéder à la construction de son objet, ce relevé méticuleux s'apparente fortement à la démarche de l'ethnographe sur le terrain. Dans le même ordre, Jean Echenoz dans son roman intitulé « Lac », en constituant un maillage de descriptions, introduit des « nouvelles pratiques romanesques » visant à rendre visible les transformations du monde social et en se rapprochant des grammaires urbaines décrites par Michel de Certeau.
Ce sera plus précisément l'œuvre de Michel Collot, qui nous montrera les processus de mise en écriture poétique de la ville. Il s'agira de rendre compte d'une double tension présente dans la poésie : objectivation et description, subjectivation et évocation, qui apparaissent et se heurtent également dans le champ de l'anthropologie. A travers le commentaire des ses œuvres telles que Chaosmos, il entend identifier les figures et les « recherches formelles » impliqués dans la restitution de la ville et des lieux et loin de l'idée de « congédier la matérialité » il s'agira d'analyser une prose issue d'une expérience concrète avec le monde, permettant et rendant compte d'un rapprochement avec les réalités quotidiennes. Cette démarche placée sous le signe du tangible incluant l'approche physique du poète avec les lieux s'apparente précisément à la démarche ethnographique mais engage également la constitution et une réflexion sur la genèse des textes de l'auteur.

Antonella Di Trani / Miguel Mazeri

  • le lundi 19 juin 2006 à 15h
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