Éditorial de la Lettre de l'École n°3, janvier 2006

La saison de l'échange des voeux offre une excellente occasion de nous dire ce que nous souhaitons pour l'École, dans ce moment où le paysage national et international des institutions de la recherche et de l'enseignement supérieur se recompose à grande vitesse.

Préserver et promouvoir la liberté des échanges, des initiatives, des coopérations et des productions qui font de l'École un milieu intellectuel vivant, productif et attractif est un voeu qui, à coup sûr, nous rassemble tous. Il nous arrive à tous aussi de nous demander si cette identité de l'École pourra résister non seulement à la montée des contraintes administratives et économiques qui s'imposent à nous dans un espace académique planétarisé et de plus en plus concurrentiel, mais également au rythme de développement que nous impose l'adaptation inventive à ces contraintes.

Il y a trente ans, l'École des hautes études en sciences sociales - qui venait, en mai 1975, de présenter son Programme scientifique - connaissait sa première année universitaire sous son nouveau régime d'existence. Bien des interrogations s'exprimaient alors sur le risque que l'alourdissement de l'institution pouvait faire courir à l'esprit de liberté porté par la VIe section. On s'inquiétait des implications d'un alignement banalisant sur la règle universitaire du jeu doctoral. On se préoccupait du poids et de la complexité croissants des circuits administratifs et financiers dont la recherche dépendait de plus en plus.

Confrontée à ces inquiétudes légitimes, l'École rappelait - en préambule à la présentation de ce Programme - que, tout en acceptant de « prendre place dans les dispositions d'un planning national », elle entendait que « ce Programme reflète avec franchise les principes de son identité », en respectant « les paradoxes qui ont fait son efficacité ».

  • Le premier paradoxe, c'est sa liberté historique : dans un monde qui tend à totaliser ses actions, l'École poursuit un travail pluralisé et décentralisé.

  • Le second paradoxe, c'est que, pionnière du travail collectif en équipe, l'École affirme la nécessité d'une recherche humaine, personnalisée, au service des hommes en état de recherche et d'invention et non du développement abstrait de telle ou telle science.

  • Le troisième, c'est que l'École n'est pas une addition de sciences, mais un ensemble de travaux scientifiques sur des problèmes surgis au coup par coup de l'Histoire et non selon le plan d'une transcendance scientifique – problèmes dont elle s'efforce de faire naître de nouveaux objets qui requièrent description, explication et combat.

Il ne me paraît pas que ce soit céder à la nostalgie que de se mettre en présence de ces paradoxes - tels que le Président Jacques Le Goff les formulait en 1975 - au moment où nous négocions un nouveau contrat quadriennal pour l'École. Car le « programme » que nous défendons aujourd'hui est, à bien des égards, toujours le même. Sa mise en œuvre requiert certes de la franchise et de la détermination, mais plus encore peut-être, dans la conjoncture où nous nous trouvons, de l'imagination. C'est le souhait, en tout cas, que je nous adresse!


Bonne année à tous!


Date
  • le lundi 9 janvier 2006

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