Paris, La Martinière, 2005. 634 p.
La révolution chinoise a souvent été décrite comme la plus grande révolution paysanne de l'histoire. Et si, comme en Russie, c'étaient les intellectuels qui avaient mobilisé les paysans chinois pour faire la révolution ? C'est l'une des conclusions de cette enquête sur ce que les paysans ont entrepris sans les communistes (et à l'occasion contre eux) et sur leurs réponses à la mobilisation communiste. Lucien Bianco montre en particulier que les masses paysannes, chères à l'historiographie maoïste, ont certes fourni vivres et combattants, mais que, loin de suivre la stratégie que Mao Tse-tung a tenté de leur inculquer, ces masses se sont révoltées à des nombreuses reprises contre l'administration et le fisc. Des révoltes comparables à celles conduites par les paysans français du Grand Siècle, en ce sens qu'elles exprimaient les intérêts et les préoccupations quotidiennes des villageois bien plus qu'une conscience de classe. Ces mêmes luttes ont parfois freiné la modernisation que le régime communiste s'emploie actuellement à promouvoir. Si les paysans ont profité de la décollectivisation des terres, l'embellie a été de courte durée. Le mouvement paysan s'enfle d'année en année : l'avenir des campagnes chinoises - et de ses 800 millions d'habitants - est l'un des plus graves défis auquel le pouvoir est aujourd'hui confronté.