Retour sur la guerre d'Espagne. Mémoire et histoire

Cité internationale Universitare - Collège d'Espagne - Salle Luis Bunuel  -  7E, boulevard Jourdan  -  75014 Paris

Depuis la fin des années 1990, des mouvements en faveur de la « récupération de la mémoire historique » s’élèvent, en Espagne, contre l’oubli des victimes de la Guerre civile et de la dictature franquiste, manifeste dans les politiques mémorielles de la démocratie. Cet oubli résulterait des modalités de la Transition démocratique (1975-1982) qui mit fin à la dictature personnelle du général Franco, établie au terme d’une guerre civile particulièrement meurtrière, déclenchée par un coup d’État militaire (1936-1939).La démocratisation se fit en effet dans le cadre institutionnel de la Dictature, sans condamnation formelle du régime franquiste ni poursuite judiciaire de ses crimes.

Or, la transition démocratique est aujourd’hui l’objet de nombreuses critiques. Ses protagonistes sont en effet accusés d’avoir inhibé la parole des victimes du franquisme et effacé leur présence dans la mémoire collective par « un pacte de silence ». Au nom de ces victimes, des associations et des intellectuels revendiquent la « récupération de la mémoire historique » et la clarification de la position de la démocratie espagnole à l’égard de son passé récent par une condamnation plus ferme du régime franquiste, des mesures de réparation à l’égard de ses victimes, et une révision des interprétations courantes de la guerre civile comme un conflit fratricide entre deux camps également responsables. Le mouvement mémoriel entend aussi poursuivre en justice les crimes franquistes par la mobilisation du droit international et de la notion de « crime contre l’humanité » qui permet de contourner, par son caractère imprescriptible, la loi d’amnistie de 1977. Des actions en justice sont aujourd’hui en cours en Argentine, pays dans lequel des mesures de justice transitionnelle ont permis la poursuite des responsables de la répression. Le parti socialiste, entré dans l’opposition en 1996, reprit à son compte une partie de ses revendications. Il obtint en 2002 la condamnation du coup d’État du juillet 1936 par le parlement espagnol et le vote de la loi sur la mémoire historique en 2007. Cette dernière prévoit des réparations symboliques pour les victimes, la suppression des éléments de commémoration franquiste dans l’espace public, et appelle au développement de la recherche et de l’enseignement de l’histoire de la Guerre civile et du franquisme. Le traitement du passé est devenu un enjeu important de la bataille politique entre les deux partis de gouvernement.

De toutes les actions du mouvement mémoriel, la plus visible est l’exhumation des corps des victimes républicaines hors des fosses communes où ils se trouvent depuis la guerre, afin de les honorer et de leur donner une sépulture digne. Ces initiatives qui réunissent les familles des victimes, des associations et des experts ont largement contribué à la médiatisation du mouvement mémoriel, dans les années 2000. Cette focalisation relative des actions et des discours sur les corps morts des victimes et la nécessité de réparer l’absence de sépulture s’inscrit dans un contexte international. De l’ex-Yougoslavie au Rwanda, on retrouve ces mêmes questions. En Espagne, en outre, cette présence des cadavres dans le débat public s’inscrit dans une histoire qui remonte au moins à la fin de la guerre civile. Les autorités franquistes sont en effet les premiers à mettre les morts tombés sur le champ de bataille – les caídos – et leurs dépouilles au cœur des discours et des rituels politiques. Répondant au culte des « caídos », les exhumations contemporaines des victimes républicaines sont devenues un phénomène de société majeur, qui illustrebien la façon dont ces questions mémorielles ébranlent la société espagnole, ainsi que les équilibres politiques issus de la transition.

Cette journée d’étude intitulée « Retour sur la guerre d’Espagne. Mémoire et histoire » sera consacré aux mouvements de « récupération » de la mémoire historique et à ses actions en faveur de la réparation des victimes du franquisme. Des anthropologues, des historiens, des sociologues et des politistes, spécialistes de l’Espagne et de l’Argentine, replaceront la pratique des exhumations dans le contexte des conflits mémoriels, dans l’histoire de la répression et de la propagande franquiste,  ainsi que dans celle de la circulation internationale des modèles de sortie de dictature et de justice transitionnelle. L’étude des échanges d’expériences entre l’Espagne et l’Argentine dans ce domaine permettra de réfléchir aux modalités de l’émergence récente en Espagne de la catégorie de « victime du franquisme » et aux débats que celle-ci suscite.
Date
  • le lundi 18 mai 2015  de 9h30  à 20h
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