Les problèmes d’évaluation de l’« après-guerre » : dynamique, réseaux et interprétations de la période 1931-1955

EHESS - Salle 2  -  105, boulevard Raspail  -  75006 Paris

Si l’on se trouve maintenant loin de l’urgence des années suivant la défaite, et plus encore du vécu de la guerre, les recherches historiques les plus récentes restent, à bien des égards, marquées par la nécessité de comprendre le processus ayant mené aux conflits en Asie et dans le Pacifique. Longtemps dominé par le marxisme et la notion de fascisme, le discours des historiens japonais dut néanmoins faire face à plusieurs difficultés en 1946 et 1955 : l’effet limité des purges des ultranationalistes et des militaires ; la mise à l’index et le discrédit du Parti communiste japonais ; la continuité flagrante de nombreuses élites ; la remilitarisation du Japon et le soutien de son partenaire américain accompagnant la guerre froide. L’idée d’une période dite fasciste jusqu’en 1945, puis d’une autre dit démocratique s’en trouva relativisée et l’obligation d’une étude approfondie de la guerre (quelle que soit ses limites chronologiques et ses caractéristiques) devait éclairer par contraste un « après-guerre » souvent peu défini.

La présente communication se propose de présenter les enjeux de cette définition de la « guerre » et de l’« après-guerre » en deux étapes. D’abord une remise en contexte des événements généralement retenus comme marquants, du début des années trente au milieu des années cinquante. On verra que les choix des historiens varient grandement et qu’ils masquent parfois une légitimation de certains aspects des conflits en Asie, ou dans la Pacifique. Ensuite, les oppositions d’interprétation apparaîtront plus nettement à partir de deux courants des recherches historiques contemporaines en concurrence : le premier, marqué par les notions marxistes et des intellectuels tels que Maruyama Masao (丸山真男) ou Tsurumi Shunsuke (鶴見俊輔), a développé une analyse fouillée très critique du Japon en Asie et dans le monde en terme de fascisme, notamment sur la guerre comme invasion en Asie, la militarisation de la société et les sacrifices de la population. Le second, dont le pionnier est Itô Takashi (伊藤隆), est plus récent. Insatisfait de la notion de fascisme trop vaste et peu discriminante, sa description minutieuse des forces en présence en 1939-1940 et de leur interactions sera reprise et détaillée par deux de ses disciples les plus brillants : Moriyama Atsushi (森山優) et Furukawa Takahisa (古川隆久). La sophistication de leur analyse et la richesse de leur documentation des années 1937-1945 ont pour résultat à normaliser les conflits avec l’étranger. Une position qu’ils soutiennent et dont les dangers sont à relier avec le militarisme de certains leaders du Japon actuel.

Date
  • le jeudi 19 février 2015  de 11h  à 13h
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