Romain Gary : une voix dans le siècle

Maison de la recherche - Institut du Monde Anglophone - Salle Las Vergnas  -  75005/6  -  Paris

Lorsqu’en 1945 paraît le premier roman de Romain Gary, Éducation européenne, Émile Henriot s’exclame dans Le Monde : « Quelle joie devant un livre d’inconnu, de se sentir ferré, accroché dès la première ligne, et de pouvoir se dire à ne s’y point tromper : attention, il y a quelqu’un ! » Trente ans plus tard, des termes similaires reviennent sous la plume des critiques à propos de Gros-Câlin et de ce nouveau venu en littérature, Émile Ajar. D’un livre à l’autre beaucoup de choses ont changé, mais pas cela, qui signale un écrivain : que parmi tous les textes qui paraissent soudain une voix est présente et se fait entendre.

Cette voix marque par sa singularité. Gary n’appartient à aucun des principaux mouvements littéraires de l’après-guerre, et le revendique : « Je suis un minoritaire-né ». Ou encore : « Je suis un irrégulier. Je n’adhère à rien à part entière. Tous les camps me sont tantôt proches, tantôt étrangers. » Cette singularité lui a coûté la reconnaissance universitaire et critique, mais elle a assuré sa liberté créatrice.

Une voix ou des voix ? Le cas de Gary, né Roman Kacew, est hors norme. Les pseudonymes (Lucien Brûlard, René Deville, Fosco Sinibaldi, Shatan Bogat pour n’en citer que quelques-uns) embrayaient l’écriture sur des vies nouvelles ; c’est cependant la création du personnage d’Ajar qui l’a doté d’une seconde voix véritable, que les lecteurs contemporains ont nettement différenciée de celle de cet écrivain déclaré « en fin de parcours » nommé Romain Gary. Mais en bon romancier Gary ne s’est pas contenté de deux personnalités. De Tulipe à Europa, de La Danse de Gengis Cohn aux Enchanteurs ou Vie et mort d’Émile Ajar, l’œuvre signée du nom de Romain Gary semble déjà elle-même composée de plusieurs voix. Caméléon et ventriloque, Gary anime et fait parler, traverse les générations, passe d’un univers à un autre – peu d’œuvres sont aussi diverses et ont traité de sujets aussi variés dans la littérature française d’après-guerre.

Mais Gary/Ajar, c’est en même temps une seule voix. En témoigne la vision lucide de l’homme et de l’histoire qu’il s’est forgée dans la France libre, à laquelle il a été fidèle jusqu’à son dernier texte, son dernier souffle. En témoigne aussi, des Racines du ciel qu’il qualifiait de « premier roman écologique » à Gros-Câlin, en passant par L’Homme à la colombe ou Chien blanc, son attention précoce au vivant et à l’animalité, envisagés selon des dimensions politiques et éthiques qui sonnent comme un cri d’alarme précurseur. Une voix aussi parce qu’il semble que jamais Gary ne trouve mieux sa propre musique que lorsqu’il se rapproche de l’oralité, comme lorsque, sous le couvert d’Ajar, il lâche sa plume. Et, plus caractéristique encore : son humour, qualité littéraire rare.

1914-2014 : Gary aurait eu cent ans cette année. Ses romans sont lus plus que jamais, et par toutes les générations. Variée mais constante, cette voix singulière constituera le cœur de notre interrogation, aussi bien du point de vue de l’histoire littéraire et politique que de la réflexion thématique ou stylistique. Une lecture du comédien Bruno Abraham-Kremer et une présentation par Philippe Kohly de son documentaire Romain Gary ou le roman du double permettront enfin d’en restituer la dimension sonore et vivante.

Colloque organisé à l'occasion du centenaire de Romain Gary par l'Université Sorbonne nouvelle-Paris 3, l'EHESS – ANR « Animots » et l'Université de Toulouse 2 le Mirail.

Organisateurs

  • Julien Roumette (Université de Toulouse Le Mirail)
    Alain Schaffner (Université Sorbonne nouvelle-Paris 3)
    Anne Simon (CNRS/EHESS/ANR « Animots»)

Programme

Jeudi 25 septembre, Maison de la Recherche, 4 rue des Irlandais, 75005 Paris

9h15 - Ouverture du colloque
La voix de la France
Présidente deséance  : Mireille Sacotte

9h30 - Roger Grenier (écrivain et éditeur) : « Gary vu de près »
10h - Jacques Lecarme (Université Paris 3) : « La voix de la France Libre »
Pause

11h - Jeanyves Guérin  (Université Paris 3)« Les Racines du ciel : Gary et la mythologie tiers-mondiste » 11H30 - Kerwin Spire (Université Paris 3) : « La voix de la France : Gary face à la décolonisation »
Le roman du double
Président de séance : David Bellos

14h30 - Firyel Abdeljaouad (essayiste) : « Gary grand reporter ? Ou “les mousses de l’imaginaire” »
15h - Jean-Marie Catonné (essayiste) : « Tonton Macoute ou Ajar fossoyeur de Romain Gary »
15h30 - Anny Dayan Rosenman (Université Paris 7) « Dibbouks et violons juifs. Romain Gary, une identité blessée »
Pause

Romain Gary, le roman du double
17h - Projection/débat avec Philippe Kohly, réalisateur

Vendredi 26 septembre, Institut du Monde Anglophone, Amphithéâtre - 5 rue de l’École de médecine, 75006 Paris

Les voix de l’espèce
Présidente de séance : Anne Simon

9h30 - Alain Schaffner (Université Paris 3/ANR Animots) : « Chien blanc, roman de l’animal ? »
10h - Jean-François Hangouët (Association « Les Mille Gary ») : « Romain Gary,voix romanesque de la phénoménologie de l’évolution  »

Pause
Paroles et échos
11h - Julien Roumette (Université Toulouse 2) :« Les dernières paroles de la mère, l’inscription cachée de La Promesse de l’aube »
11h30 - Philippe Brenot (psychiatre, Université Paris 5) : « La place du Vin des morts dans l’œuvre de Gary»
Souffles
Président de séance : Julien Roumette
14h - Lecture/discussion autour de la mise en scène de La Promesse de l’aube avec Bruno Abraham-Kremer, comédien, metteur en scène, auteur, directeur artistique du Théâtre de l’Invisible.Pause
16h30 - Denis Labouret (Université Paris 4) : « La voix contre le chaos : Gary et la musique »
17h - Perrine Simon-Nahum (CNRS/EHESS) : « Romain Gary, une éducation européenne : violence, langage et judaïsme »
17h30 - Maxime Decout (Université Lille 3) : « Romain Gary à bout de souffle ? »

Samedi 27 septembre, Salle Las Vergnas, 13 rue de santeuil, 75005 Paris

Polyphonies
Président de séance : Alain Schaffner

9h30 - Carine Perreur (Université Paris 3) : « Un roman peut en cacher un autre :
traduction, réécriture et adaptation chez Romain Gary »
10h00 - Sophie Bernard-Léger (Université Paris 4) : « L’oralité du skaz et la voix de l’Autre, de Gary à Ajar »

Pause
11h - David Bellos (Princeton University) : « Momo et Les Misérables »
11h30 - Myriam Anissimov (écrivain, biographe) : « Roman Kacew-Romain Gary-Emile Ajar : une stratégie de survie »

Clôture du colloque

Date
  • du jeudi 25 septembre 2014 à 09h30 au  samedi 27 septembre 2014 à 13h
Contacts

Haut de page