Comprendre l'exception. La discrimination positive à l'Université en Argentine

EHESS – Salle 640  -  190-198, avenue de France  -  75013 Paris
German Fernandez Vavrik soutiendra sa thèse de doctorat en sociologie, « Comprendre l’exception. La discrimination positive à l’Université en Argentine » préparée sous la co-direction de Louis Quéré (CEMS-IMM/EHESS-CNRS) et d’Adriana Arpini (CONICET, Universidad Nacional de Cuyo).

Jury

  • Daniel Cefaï, Directeur d’études, École des hautes études en sciences sociales
  • Agnès van Zanten, Directrice de recherche au CNRS, Sciences Po
  • Daniel Sabbagh, Directeur de recherche, Sciences Po
  • Carlos Belvedere, Chercheur CONICET, Universidad de Buenos Aires et Universidad Nacional de General Sarmiento
  • Virginia Unamuno, Chercheuse CONICET, Universidad de Buenos Aires et
    Universidad de San Martín
  • Adriana Arpini, Chercheuse CONICET, Universidad Nacional de Cuyo
  • Louis Quéré, Directeur de recherche émérite au CNRS, École des hautes études en sciences sociales

Résumé de la thèse

Depuis 2003, l’Université Nationale de Cuyo mène une politique de discrimination positive sans précédent en Argentine: elle consiste en un programme d’accueil et de soutien scolaire adressé à des élèves des régions rurales les plus isolées de la province de Mendoza. La moitié des bénéficiaires en sont des Indiens des communautés huarpes, une ethnie considérée comme «disparue» par certains chercheurs de l’Université même qui les a accueillis. Malgré l’opposition interne —de la part des chercheurs contestant le bien-fondé de la revendication de reconnaissance ethnique —, l’Université a mis en place le PBCHEA, Programme de bourses pour des communautés huarpes et des établissements-internat. Or, si ce programme a été créé avec l’objectif explicite d’effectuer une «reconnaissance» institutionnelle de Huarpes, l’Université a rapidement modifié le critère de sélection. À partir de 2004, n’importe quel élève issu des «établissements-internat» ruraux est éligible pour la bourse, sans que l’appartenance ethnique ne soit plus un critère essentiel. Grâce au programme, les boursiers —définis par l’institution avant tout par rapport à leur origine — se trouvent impliqués dans un projet inédit de mobilité sociale qui les différencie des autres membres de l’entourage rural et citadin.
Avec ces mesures de discrimination positive, l’Université de Cuyo prend une distance par rapport à la tradition de la protection sociale inspirée de l’État Providence, car deux exceptions aux principes républicains sont mises en place. D’abord, le principe de color-blindness est suspendu: la sélection des élèves est opérée au nom de l’origine et non pas selon un critère de pauvreté ni de revenu. Ensuite, le programme suspend l’application des politiques universalistes: l’État concentre des ressources  économiques et pédagogiques sur ces boursiers d’origine rurale, qui reçoivent un traitement spécial, séparés des autres étudiants.
Étant donné que faire des exceptions implique l’exigence de se justifier, et que le rapport à l’ordre normatif doit être soigneusement formulé afin que l’exception ne soit pas considérée comme une simple infraction, comment les acteurs du programme rendent-ils acceptables, compréhensibles et justifiables ces mesures? Comment l’origine configure-t-elle au jour le jour l’expérience des étudiants, des responsables et des enseignants? Le matériau de l’enquête se compose d’enregistrements audiovisuels des interactions dans une salle de classe, de documents écrits de l’Université, d’observations ethnographiques et d’entretiens. La recherche porte sur la compréhension et la catégorisation des acteurs ainsi que sur les conditions institutionnelles de la mise en place des politiques de discrimination positive. Mon travail montre que, si les responsables et les enseignants traitent les boursiers comme des nouveaux arrivants spéciaux, qui ont besoin d’un accueil d’exception, ceux-ci se présentent comme des ethnographes, des personnes capables de rendre intelligible les règles des environnements dans lesquels ils circulent.
Date
  • le lundi 26 mai 2014  de 14h  à 19h
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