La souffrance dans l’enfermement. Monastère, prison, hôpital psychiatrique

EHESS - Amphithéâtre François Furet  -  105, boulevard Raspail  -  75006 Paris
Depuis la naissance de la psychanalyse nous avons pris conscience que la souffrance est à l’origine de l’agir de l’humanité. L’enchainement naturel et universel du fonctionnement humain irait de la souffrance au plaisir en passant par le désir, et dès la naissance et tout au long de la vie chaque être humain agit et réagit aux événements et aux circonstances selon cet enchainement fondateur et inévitable. Dès lors il faut se demander pourquoi et comment s’est imposée au cours de l’histoire une valorisation positive de la souffrance au point d’en faire le pivot d’institutions sociales basées sur l’enfermement. Nous savons que la condamnation à la prison ferme est une invention relativement récente, et que de l’Antiquité au XIXe siècle les différentes justices n’ont utilisé la réclusion que comme mesure provisoire ou partielle parmi d’autres peines (exécutions, châtiments corporels, envoi aux galères ou aux travaux forcés, bannissement, etc.). Nous savons aussi qu’il y a une filiation historique des institutions d’enfermement, bien symbolisée par la transformation de l’abbaye de Clairvaux en prison, au début du XIXe siècle. La clôture monastique était partie intégrante et constitutive d’une culture religieuse fondée sur la souffrance comme expiation du péché originel, comme discipline de vie refusant les plaisirs terrestres pour mieux goûter des plaisirs de l’au-delà. C’était un « libre » choix de moines et moniales, faisant de la souffrance une vertu, le chemin pour atteindre le salut spirituel. Mais comment est-on passé d’un choix personnel à une contrainte sur autrui, faisant de la souffrance une norme, une discipline quotidienne, un principe de rééducation, de rédemption ? Comment, à l’image des saints et des moniales martyrisant leur corps, certains individus peuvent-ils réagir à la souffrance imposée par l’institution en la redoublant par une souffrance volontaire, de l’automutilation au suicide ? Par cette table ronde, nous voulons aborder ces questions avec une approche d’ego-psycho-histoire, combinant l’expertise des sciences sociales avec l’expérience, le vécu des intervenants. Le débat soulevé par Thomas Szasz, Michel Foucault, Franco Basaglia, Felix Guattari et d’autres voilà quarante ans semble aujourd’hui retombé et les quelques voix dissonantes écrasées par un consensus généralisé faisant de l’enfermement une dure mais inéluctable nécessité sociale. Peut-on encore penser une société sortant de la culture de la punition, de la souffrance ?
Date
  • le mercredi 28 mai 2014  de 9h  à 13h
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