Tristan Brunet (doctorant à l’université Paris Diderot) donnera une conférence dans le cadre du séminaire collectif du Centre Japon.
Dans cette conférence, nous verrons comment la notion d'humanité s'est imposée comme critère de validité du récit historique national dans le Japon de l'après-guerre. C'est en son nom que le critique littéraire Kamei Katsuichirō a porté, en 1956, sa fameuse attaque contre l'historiographie marxiste, qui dominait l'historiographie japonaise depuis la fin de la guerre, la qualifiant, dans une formule restée célèbre, d'« histoire sans être humain ». D'autres critiques, comme le pédiatre Matsuyama Michio ou l'ethnologue Wakamori Tarō, ont pris sa suite pour définir à leur tour les limites de l'historiographie de leur temps sur la base d'une nécessaire humanité de l'histoire. Et c'est également au nom de leur propre critère d'humanité que certains des principaux représentants du courant marxiste, comme Tōyama Shigeki, ont cherché à défendre leur propre pratique historienne.
Nous tenterons d'abord de voir le rôle qu'a joué cette notion comme critère de validité de l'écriture d'une histoire nationale dans le Japon des premières décennies de l'après-guerre, et les différentes définitions qui ont encadré son usage. Nous chercherons ensuite à souligner le rôle concret que cette notion a pu jouer dans les pratiques historiographiques de cette époque, et son influence contradictoire dans l'élaboration du discours historique. Enfin, nous tenterons de montrer comment ce critère d'humanité s'est retrouvé au cœur du malentendu, sans cesse renouvelé jusqu'à nos jours, dans le rapport qu'entretient la société japonaise d'après-guerre avec son histoire nationale.