Cette journée doctorale du Centre Georg Simmel sera consacrée au thème
de la circulation des musiciens et de leurs savoirs. A travers deux
études de cas, cette séance aura pour objet d’analyser les différents
parcours géographiques, les diverses trajectoires socio-professionnelles
des artistes ainsi que les multiples modes de création et dynamiques de
diffusion musicale. Emilia Chamone présentera un extrait de sa thèse :
l’étude des Rencontres européennes de maracatu de baque virado, moments
privilégiés d’échange et de diffusion de cette pratique musicale en
France. Quant à Livia Laifrova, elle mettra en lumière le rayonnement
des musiciens originaires de Bohême et de Moravie à Paris au début du
XIXe siècle.Une description approfondie des réseaux de circulation ainsi
que la prise en compte de leurs dimensions historiques nous permettront
de mettre en exergue les enjeux sociaux, politiques, identitaires et
stylistiques qui traversent l’étude des savoirs et des pratiques
musicales qui se déplacent dans le temps et dans l’espace.
Intervenants :
Livia Laifrova, Emilia Chamone. Discussion : Michael Werner, Paulo
Marcelino Cardoso, Damien Verger. Modération : Florine Andrieux, Lucille Lisack
Livia Laifrova - Les musiciens de Bohême à Paris au temps d’Antoine
Reicha
Lorsqu’A.
Reicha (1770-1836), âgé de trente-huit ans, arrive à Paris en 1808, son
compatriote J. L. Dussek (1760-1812), prodigieux virtuose du piano,
officie depuis un an comme maître de musique auprès du célèbre
Talleyrand. Bien que tous deux soient nés en Bohême et soient influencés
par la culture germanique, ils poursuivent des carrières artistiques
bien différentes. A l’instar de F. Nicodim dit Nicodami (1758-1829),
nommé en 1798 professeur de piano au Conservatoire de Paris, Reicha
devient, vingt ans plus tard, professeur de contrepoint et de fugue au
sein de ce prestigieux établissement.
Qu’en est-il des autres musiciens de Bohême tels que J. Gelinek (1758-1825), F. Krommer (1759-1831) et A. Gyrowetz (1763-1850) ?
Dans
une perspective socio-historique, je me propose de retracer les destins
croisés de ces compositeurs, même si leurs choix professionnels ont
différé : certains ont préféré être indépendants, d’autres employés,
certains se sont installés à Paris, d’autres n’y ont effectué que des
séjours temporaires, certains ont choisi d’être avant tout
musiciens-compositeurs, d’autres se sont voués à l’enseignement.
A
partir de documents d’archives, du dépouillement de plusieurs
périodiques et de l’étude des éditions musicales parisiennes conservées
au département de la Musique à la Bibliothèque Nationale de France à
Paris, j’ai cherché à évaluer le rôle qu’a joué chacun de ces musiciens
ainsi que leur réception dans la société musicale parisienne au début du
XIXe siècle.
Emilia Chamone - Les rencontres européennes de maracatu (Paris 2010 et Cologne 2012)
Pratique
musicale et chorégraphique brésilienne originaire de l’État de
Pernambouc, le maracatu-nação est un cortège qui se dévoile pendant
l’époque carnavalesque, durant laquelle défile une cour royale
accompagnée d’un ensemble de percussion. À l’heure actuelle,
l’expression maracatu de baque virado désigne une pluralité de pratiques
musicales, de groupes et de répertoires, éparpillés dans le monde
entier. Malgré l’ampleur de ce phénomène, très peu d’études décrivent la
diffusion de cette musique dans les métropoles brésiliennes et
européennes. L’expansion mondiale du maracatu de baque virado reste
encore très opaque et souvent analysée sous le prisme d’une
spectacularisation et d’une standardisation subies par les groupes
considérés comme traditionnels.
Décrire la circulation de personnes,
de savoirs et d’objets rassemblés autour de la pratique du maracatu de
baque virado en France est le principal objectif de cette recherche.
L’observation ethnographique de deux éditions « Rencontres européennes
de maracatu » m’a permis de saisir une chaîne d’acteurs et de médiations
pas encore étudiées, tout en mettant en lumière les enjeux et paradoxes
de ce processus de diffusion. Dans cette étude de cas, je propose un
renversement de perspective : au lieu de porter l’attention sur la «
fidélité » ou l’« appartenance » à une tradition, il s’agira de mettre
en place un mode d’analyse centré sur les dynamiques d’appropriation,
les modes d’attachement, l’établissement des réseaux internationaux et
la construction de légitimités entre les groupes brésiliens et français.
Programme
- 9h : Accueil et introduction
- 9h15 : Livia Laifrova, Les musiciens de Bohême à Paris au temps d’Antoine Reicha
- 9h45-10h45 : Discussion
- 10h45-11h15 : Pause café
- 11h15-11h45 : Emilia Chamone : Les rencontres européennes de maracatu (Paris 2010 et Cologne 2012)
- 11h45-12h45 : Discussion
- 12h45 : Conclusion