L'environnement des travailleurs au XXe siècle

Depuis quelques années, l'histoire environnementale connaît un développement constant dans les universités francophones [Quénet et Locher, 2009]. Dans le même temps, après avoir été délaissées depuis les années 1980, l'histoire du travail et l'histoire ouvrière connaissent actuellement un renouvellement [Vigna, 2012]. Pourtant, les croisements entre ces champs disciplinaires restent encore faibles, aussi bien dans la recherche francophone qu'anglophone [Peck, 2006].

Cette journée d'étude vise à mettre en commun les réflexions de ces deux champs de recherches, en s'intéressant aux discours et aux pratiques environnementales des travailleurs. Elle réunira des doctorants et des jeunes chercheurs en histoire, dont les travaux permettent de tisser des liens entre ces champs historiographiques. Elle aura un double objectif, en aspirant à :
dresser un état des lieux des recherches en cours ;
esquisser des interrogations collectives aux doctorants et jeunes chercheurs.

En interrogeant la multiplicité de significations accolées à la notion « d'environnement » [Guha et Martinez-Allier, 1997 ; Martinez-Allier, 2003], aussi bien qu'au « travail », nous nous intéresserons donc aux différentes modalités par lesquelles les travailleurs ont pensé leur relation à leur milieu de vie et les pratiques originales qui ont pu en découler. Les propositions de contribution à cette journée d'étude peuvent ainsi explorer plusieurs terrains, afin de rendre compte de la pluralité des approches existantes. Ces contributions se fonderont en priorité sur une recherche en archives (écrites ou orales), mais elles peuvent aussi s'intéresser à des relectures historiographiques. Elles doivent avoir le souci d'esquisser des orientations permettant de forger des approches communes aux historiens de l'environnement et du travail. La date limite pour proposer une communication est fixée au 14 avril 2013. Les confirmations seront envoyées début mai et le programme définitif sera diffusé avant le 15 mai 2013.


Quel héritage historiographique ?

En premier lieu, il convient d'interroger les causes de la séparation des champs de recherche sur l'environnement et le travail. Il convient notamment d'interroger les implications historiographiques concrètes liées au fait que « l’histoire du mouvement ouvrier, lorsqu’elle s’intéressait aux conquêtes sociales, se focalisait sur les progrès en matière de durée du travail ou de protection sociale, mais non sur les injustices environnementales dont les ouvriers étaient pourtant victimes au premier chef » [Massard-Guilbaud, 2002].

En identifiant les causes de l'absence de terrains communs à ces champs historiographiques, il s'agit de proposer une approche réflexive sur les recherches émergentes. En effet, il est nécessaire d'identifier les facteurs qui favorisent aujourd'hui le rapprochement de l'histoire du travail et de l'histoire environnementale, afin de mieux pointer les limites et les contraintes que rencontrent les jeunes chercheurs aujourd'hui. Il paraît notamment utile d'interroger les limites spatiales des recherches actuellement menées, qui se limitent souvent à l'espace européen ou nord-américain [Hecht, 2012].


Une dimension environnementale de la santé au travail ?

Le renouvellement actuel des recherches sur la santé au travail, ainsi que des travaux sur l'histoire de la pollution industrielle, ouvrent un espace d'échanges entre deux champs historiographiques. En premier lieu, il convient d'interroger la façon dont les enjeux de santé et d'environnement ont pu être liés, par les travailleurs, sur leur lieu de travail. Une circulation transnationale des pratiques s'opère alors, aussi bien par le biais des organisations internationales [Lespinet-Moret, 2009], que dans des processus de transmissions horizontales [Pitti, 2010 ; Vigna, 2012]. Il convient de mieux documenter ces processus, afin de comprendre qui sont les acteurs de ces transferts, mais aussi comment sont adaptés ces dispositifs localement.

En deuxième lieu, les historiens de la santé au travail constatent que les employeurs du vingtième siècle ont souvent permis à « l'extérieur de jouer efficacement contre l'intérieur » [Bruno, Geerkens, Hatzfeld, Omnès, 2011, p.22]. Pourtant, en elle-même, cette séparation intérieur/extérieur fait rarement l'objet d'études précises, bien que l'impact des nuisances soit reconnu à l'intérieur comme à l'extérieur des entreprises. Plutôt que de renouveler une histoire des espaces séparés, la notion de débordements industriels [Letté, 2012] doit permettre de déployer un récit des continuités entre espaces de travail et de vie.

L'espace des inégalités environnementales dans la vie des travailleurs. En rompant la « naturalisation » de cette frontière entre espaces, il convient d'interroger le rôle des travailleurs dans la réinvention perpétuelle de cette frontière, comme le proposent les travaux récents sur la régulation des pollutions industrielles [Massard-Guilbaud, 2010 ; Le Roux, 2011 ; Fressoz, 2012]. De fait, la mise en cause de cette séparation ouvre la possibilité de comprendre comment les nuisances industrielles ont pu prolonger les inégalités sociales structurant les espaces urbains [Hurley, 1995].

D'une part, en adoptant les notions de « cadre de vie » ou de « justice environnementale », les organisations de travailleurs ont contribué à la construction d'une définition originale de l'environnement, qui a pu se trouver au fondement d'une critique des premières politiques publiques de l'environnement. D'autre part, pour subvenir à leurs besoins, les travailleurs ont pu inventer des usages originaux des ressources naturelles – qui généraient en retour des formes de sociabilité spécifique : lavoirs, fontaines, etc. La « modernisation » des formes de consommation au cours du XXe siècle a transformé ces pratiques, qu'il convient de mieux documenter en interrogeant la façon dont les travailleurs ont pensé les phénomènes de production, de consommation et d'usage des ressources.


(S')organiser (dans) le travail pour répondre aux enjeux environnementaux.

Dans les rares études sociologiques sur l'intervention environnementale des organisations syndicales, les préoccupations liées à l'emploi restent opposées d'emblée aux enjeux environnementaux [Meyer, 2009 ; Obach, 2004]. Or, ces discours tendent à rendre invisibles la combinaison de critères qui prônent à la prise de position des organisations de travailleurs sur les enjeux environnementaux. Ainsi, la notion de « régime technopolitique » permet d'interroger les implications sociales, politiques, techniques et environnementales de l'adhésion syndicale à certains choix technologiques [Hecht, 2004]. Il convient donc d'apporter une étude plus précise des réactions des travailleurs face à l'essor de nouvelles techniques, ainsi que sur l'impact social et environnemental de ces techniques.

Ces recherches doivent permettre d'apporter un éclairage sur la construction d'une imbrication étroite entre enjeux sociaux et environnementaux. Entre autres exemples, la recherche actuelle sur les transitions énergétiques permet de constater l'ampleur des implications politiques et sociales de ces phénomènes sur la vie des travailleurs [Andrews, 2008 ; Mitchell, 2009].


Recommandations

La journée d'études entend privilégier un échange entre jeunes chercheurs, doctorants et étudiants en fin de master 2. Le temps de présentation de chaque intervenant sera donc limité, afin de favoriser un échange, en vue de construire des interrogations communes.
L'objectif de cette journée est de tisser des liens entre l'histoire environnementale et l'histoire du travail, mais les propositions issues d'autres champs de recherches sont les bienvenues.


Conditions de soumission

Date limite de dépôt des propositions de communications, 10 avril 2013.
Les propositions de communications (en français ou en anglais) devront comporter un titre, un résumé (environ 1500 signes), et seront accompagnées d'un court curriculum-vitae.
Les propositions seront envoyées à l'adresse : environnementtravail2013@gmail.com
Les confirmations seront envoyées avant le 5 mai, le programme définitif sera diffusé le 15 mai.


Organisation

Renaud Bécot (Centre Maurice Halbwachs, EHESS)
Pablo Corral Broto (Centre Maurice Halbwachs, EHESS)

Pour plus d'informations sur cet appel à communications, vous pouvez contacter :
environnementtravail2013@gmail.com et renaudbecot@gmail.com
Date limite
  • le mercredi 10 avril 2013 à 14h
Contact
  • Renaud Bécot (renaudbecot@gmail.com)
    Renaud Bécot
    Centre Maurice Halbwachs
    Equipe ETT - Bureau 24
    48 Bd Jourdan
    75014 Paris
    renaudbecot@gmail.com - 06.15.01.28.01

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