Franchir les frontières

Le cas des Chinois du Zhejiang en diaspora

EHESS, s. 524  -  54 bd Raspail  -  75006 Paris

Thèse soutenue par Véronique Poisson

Préparée sous la direction de Nancy Green

Président du jury : M. Emmanuel Ma Mung, Directeur de recherche au CNRS

Jury : M. Michel Cartier, Directeur d'études à l'EHESS
M. John Lagerwey, Directeur d'études à l'Ecole pratique des hautes études (IVe section)

Spécialité : Histoire et civilisations


Ce travail doctoral dresse une ethno-histoire de la migration chinoise originaire de la province du Zhejiang installée en France. Pan de l'histoire de l'immigration encore peu explorée, en excavant de nouvelles sources, l'auteure ouvre une brèche pour les recherches ultérieures et remet en question certains poncifs sur cette migration. Le peu d'ouvrages de référence sur le sujet l'a portée à fouiller loin à la fois dans le temps et l'espace. Les sources originales comprennent le journal foisonnant d'un missionnaire en poste dans le Zhejiang au tournant du XXe siècle, des archives diplomatiques du ministère français des Affaires étrangères et la collecte d'une documentation orale et écrite en chinois réalisée dans le Zhejiang.

S'inscrivant sur le plan théorique dans la mouvance de la micro-histoire, une réflexion est menée sur le choix et la pertinence de l'échelle d'observation du chercheur. Cette approche théorique conduit à privilégier les expériences des acteurs et les restitutions de données brutes. Elle va même jusqu'à questionner le positionnement et la légitimité du chercheur face à son terrain desquels découleront directement la qualité et la quantité de ses données.

Recomposant le parcours des migrations depuis le pôle de départ, la culture de l'émigration de la province du Zhejiang est décrite sur plusieurs siècles. Afin de restituer l'importance de la stratégie clanique et de la destinée individuelle, au sein de la migration, le concept de frontière a été choisi. Des frontières ethniques et géographiques à l'intérieur de la province d'origine, une passerelle est dressée avec le pays de destination où les clivages sociaux et inter-régionaux restent prégnants et moteur de la structuration et de la diversité des groupes de migrants. Une telle approche permet de rompre avec les analyses culturalistes et globalisantes dans lesquelles la diversité des groupes se retrouve sous un dénominateur commun généraliste et réducteur appelé communauté. Le principal atout d'une telle approche est de reconsidérer les facteurs économiques et faire émerger une dimension politique à cette émigration. Cette focale permet aussi de réfléchir sur la dialectique du rapport à l'espace et circonscrire des groupes transfrontières au sein de cette diaspora se disséminant dans un espace transterritorial.

C'est d'ailleurs la principale hypothèse défendue : l'espace migratoire n'est pas uniquement de nature géographique, il est aussi et peut être avant tout symbolique. Les hommes sont contraints par un ensemble de frontières (géographiques, administratives, politiques, ethniques, culturelles etc.) ; leurs pratiques s'organisent autour du contournement et du détournement de ces frontières dont l'émigration peut-être est une composante essentielle comme pour les gens du Zhejiang. En effet, l'espace de la migration est forgée par un ensemble de passages qui font partie du mode de construction identitaire des personnes et des groupes qui va même jusqu'à ritualiser la vie de l'homme et sacraliser l'espace de la diaspora.

À l'ère de l'intensification de la circulation des marchandises, cette étude sur les Chinois du Zhejiang se situe dans un champ de réflexion d'une actualité brûlante : le désir des hommes, leur droit et leur revendication de se mouvoir au-delà des frontières des États-nations.

Date
  • le vendredi 28 mai 2004
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