Malgré un important corpus documentaire produit dans le champ des Genocide Studies – et de façon assez paradoxale si l’on songe à la façon dont se sont déployées les études sur le corps – la question du cadavre dans les violences de masse demeure encore un sujet largement inexploré.
Le corps représente, certes, une thématique transversale des sciences sociales, mais s’il est considéré dans tous ses états tant qu’il est vivant, il disparaît largement de l’attention des chercheurs une fois mort. Seuls les archéologues et les anthropologues spécialistes du champ funéraire se sont penchés sur l’investissement social, religieux ou politique dont le corps mort fait l’objet en contexte de production massive de cadavres.
Ce volume rassemble donc des contributions d’historiens, de juristes et d’anthropologues qui se sont demandé pourquoi les restes humains et les cadavres présents en grand nombre constituent encore l’impensé, voire le tabou, des recherches menées sur les génocides et les violences extrêmes, et comment leurs disciplines respectives abordent ces objets singuliers.
Avec les contributions de : Élisabeth Anstett (CNRS), Jean-Marc Dreyfus (Université de Manchester),
Nigel Eltringham (Université du Sussex), Caroline Fournet (Université de Gröningen), Sévane Garibian (Université de Genève), Anne-Yvonne Guillou (CNRS), Jon Shute (Université de Manchester), Marc Taccoen (IML-Paris) et Robert Jan van Pelt (Université de Waterloo).
Éditions Pétra, octobre 2012, 152 pages. ISBN : 978-2-84743-060-8. 22,00 €
Introduction
Caroline Fournet
Sévane Garibian
Droit à la vérité et reconstruction du sort des disparus
Droit à la vérité et récupération forcée de l’identité des enfants volés
Jon Shute
Orthodoxie, ambivalence et amnésie dans le discours criminologique
La responsabilité historique de la criminologie envers le corps et la violence de masse
La destruction du corps comme punition
Psychologie d’investigation et preuves comportementales des scènes de mort
Les discours de dénégation : neutralisation morale, corps et violence de masse
Apprendre du passé de la criminologie
Marc Taccoen
Les lieux : modalités de découvertes
L’examen des corps
L’identification
L’investigation criminelle
Conclusion
Jean-Marc Dreyfus
Robert Jan Van Pelt
Nigel Eltringham
Le corps en tant que véhicule discursif
Flux, dissimulation et exposition dans le génocide rwandais
Anne-Yvonne Guillou
Du corps souffrant aux cicatrices du paysage : une ethnographie des traces du génocide
Envahissement des corps dans les espaces villageois et national
Les ossements-preuves : ossuaires et mémoriaux des années 1980 à 2000
Des corps-terre aux ancêtres et aux esprits tutélaires
Élisabeth Anstett
Une institution durablement mortifère
Des corps confisqués
Enterrés, abandonnés, noyés, incinérés
Le retour des restes humains
Statuts et fonctions sociales des restes humains
De quoi les squelettes sont-ils le reste ?
Ce volume vient inaugurer une collection aux Éditions Pétra "Les cadavres dans les violences de masse et les génocides", dirigée par Jean-Marc Dreyfus et Élisabeth Anstett.
Le sort fait au corps, et singulièrement au cadavre des victimes, nous semble constituer une clé essentielle de la compréhension des processus génocidaires et de l’impact des violences extrêmes sur les sociétés contemporaines. Point de départ d’une réflexion interdisciplinaire engagée entre l’historien Jean-Marc Dreyfus et l’anthropologue Élisabeth Anstett, la question du destin du corps mort a été placée au centre d’une collection consacrée à la compréhension des violences de masse du XXe siècle.
Cette collection est initiée dans le cadre d’un programme de recherche interdisciplinaire financé par le Conseil Européen de la Recherche, intitulé Corpses of Mass Violence and Genocide, débuté en février 2012 (Voir : http://www.corpsesofmassviolence.eu/). Elle fait le triple choix d’une approche pluridisciplinaire (ouverte à l’anthropologie, à l’histoire et au droit, comme à la criminologie ou aux sciences médico-légales), qualitative (en souhaitant s’appuyer sur une série d’études de cas, exemplaires de contextes historiques, sociologiques et culturels singuliers), et centrée sur le XXe siècle.
Notre collection propose de s’attacher à restituer le destin des cadavres présents en masse et de s’atteler à l’analyse des multiples enjeux que révèle leur traitement, lors de leur destruction ou dissimulation, de leur recherche puis identification, ou à l’occasion de leur patrimonialisation.
Contact : info@corpsesofmassviolence.eu