L’ancestralité revisitée

Appel à contributions : L’ancestralité revisitée. Civilisations, vol. 62 (2) à paraître à l’automne 2013, dossier coordonné par Emmanuelle Kadya TALL (CEAf). Les propositions d'articles, en français ou en anglais (un titre et un résumé de 300 mots), sont à envoyer avant le 15 janvier 2013 à la coordinatrice du dossier, Emmanuelle Kadya Tall (kadya@ehess.fr).

Le culte des ancêtres a longtemps été un des objets d’étude favori de l’anthropologie classique, africaniste tout du moins. Puis la mode s’en est perdue, peut-être parce que les lignages, dans le cadre desquels le culte s’effectuait, ont cessé d’être perçus comme des réalités stables et perpétuelles. Dans cette désaffection s’est peut-être perdue quelque chose qui était présent chez nos prédécesseurs, à savoir que le culte des ancêtres, ou vaudrait-il mieux dire la notion d’ancestralité, comportait des aspects touchant à la constitution de la personne, à la transmission entre générations, aux rapports qu’une société entretient avec son passé. Ce numéro spécial propose de repenser l’ancestralité en montrant comment ce phénomène persiste, en dehors des agencements familiaux.

La manière dont certains segments des sociétés contemporaines s’emparent du schème de l’ancestralité vient témoigner du fait que le culte aux ancêtres ou des ancêtres doit se comprendre bien plus comme un idiome que comme un modèle inhérent aux religions polythéistes en opposition aux religions universalistes. En effet, dans de nombreux mouvements de réforme religieuse, certaines figures mythiques et/ou mystiques opèrent comme des figures ancestrales permettant de circonscrire des communautés de croyants ou d’adeptes.

Dans d’autres registres, on observe, encore aujourd’hui, un recours à l’ancestralité pour rompre avec des stigmates (esclavage, expérience traumatique liée aux violences physiques subies par des ascendants,  guerres, génocides, inceste, viol etc.), en s’inventant de nouveaux ancêtres ou en les reconfigurant, avec une présentification d’éléments du passé jusqu’alors tus ou déniés pour conquérir des droits et/ou des réparations au plan psychologique ou civique. En outre, le recours à l’ancestralité permet dans de nombreux pays du monde, de revendiquer l’accès à la terre, sans que ancestralité ne rime obligatoirement avec autochtonie.

On observe également une instrumentalisation de l’ancestralité, en se choisissant des ancêtres protecteurs pour obtenir un mieux être. Le recours aux ancêtres permettant d’en obtenir la protection « magique » et dans ce cas, ce ne sont plus simplement les ancêtres de sa propre famille qu’on invoque, mais des esprits de morts génériques et ancestralisés que certains spécialistes réactivent pour renforcer la puissance du requérant. Si ce type de recours à l’ancestralité participe à la reproduction du corps social dans son ensemble en faisant des ancêtres des personnages redoutables à l’égal des sorciers et par là même des acteurs puissants dans la lutte anti-sorcellerie - la malédiction des ancêtres est un schème permanent dans l’imaginaire des sociétés postcoloniales - on peut aussi penser que dans les sociétés postindustrielles, les thérapies génétiques et trans-générationnelles participent de la même logique, à savoir reconnaître l’importance des ancêtres dans la résolution du malheur et de l’infortune. Identifier les gènes pathogènes à l’origine de certaines maladies, oblige à reconsidérer la filiation, en adoptant de nouveaux interdits en termes d’alliance et de reproduction humaine.

La reformulation ou reconfiguration de l’ancestralité permet donc de redessiner des espaces sociaux où s’entremêlent divers registres. Dans ce numéro spécial, il s’agira de mettre en regard les différentes configurations de l’ancestralité en œuvre dans notre monde contemporain, tant dans les pays du Nord que ceux du Sud, en considérant que ce qui fait sens dans leurs différentes modalités d’expression, c’est d’une certaine manière, une redéfinition de l’identité sous ses multiples aspects : nationale à travers la célébration de figures coloniales par exemple ; statutaire, dans la célébration de héros esclaves, ou dans les processus de segmentation pour constituer de nouvelles communautés ethniques permettant de rompre avec le stigmate de l’esclavage; singulière, dans l’appropriation d’ancêtres génériques pour acquérir un mieux être; en termes de filiation, dans le développement de stratégies d’évitement ou au contraire de renforcement d’un héritage génétique; territoriale avec ou sans autochtonie, dans les revendications pour l’accès à la terre; patrimoniale, dans la construction d’imaginaires nationaux ; religieuse dans la constitution d’une cosmologie plurielle.
Date limite
  • le mardi 4 décembre 2012
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