Les mésaventures de la critique

Vient de paraître aux Éditions Raisons d’agir, Franck Poupeau, « Les mésaventures de la critique », Paris, Raisons d'agir, septembre 2012.

« Refonder la gauche » : tel est le leitmotiv de ces deux dernières décennies, au sein des courants anticapitalistes, des mouvements altermondialistes ainsi que des gauches de gouvernement. Tous peinent néanmoins à exercer un contrepoids effectif aux politiques néolibérales et conservatrices, tant et si bien que nombre de militants se confinent dans des formes culturelles de contestation, quand d’autres délaissent les partis, les syndicats et même les associations. Ce retrait sanctionne surtout l’incapacité à faire exister des mouvements sociaux qui puissent à la fois soutenir les luttes minoritaires, participer aux conflits du travail et défendre les droits sociaux.
Les sciences sociales ont leur part de responsabilité dans cette situation : plutôt que mettre au jour les modes de domination par lesquels les opprimés adhèrent à un ordre capitaliste dont ils sont pourtant les premiers à pâtir, elles discourent à l’envi des classes populaires, renforçant le fantasme d’un « peuple » révolté cher à la pensée critique ; à moins que, inversement, elles ne mettent leur expertise au service de la paix sociale. Une critique de gauche devrait au contraire produire et rendre disponibles les savoirs dont les individus ont besoin pour déjouer les formes de domination qui les assujettissent, et pour accéder à des formes collectives de politisation qui, seules, peuvent les émanciper.

PDF
Date
  • le jeudi 13 septembre 2012
Contact

Haut de page