Une autre histoire des "Trente Glorieuses"

Modernisation, alertes environnementales et contestations du « progrès » dans la France d’après-guerre (1945-1968)

EHESS - Amphithéâtre François Furet  -  105, bd Raspail  -  75006 Paris
L’expression « Trente Glorieuses », par opposition aux trois journées révolutionnaires de juillet 1830, postule le silence consensuel d’une « révolution invisible de 1946 à 1975 » (Fourastié, 1979). Depuis J. Fourastié, et y compris chez les historiens qui érigèrent la croissance économique en acteur central de leur récit, les décennies d’après guerre sont souvent vues comme une période de consensus sur les bienfaits du progrès scientifique et technique. Portée par la croissance, absorbée par « Les choses » » (G. Perec), en marche vers une civilisation des loisirs et de la consommation, préoccupée par les guerres coloniales ou la guerre-froide, la population française aurait joyeusement embrassé, jusqu’au tournant de 1968, un modèle de société industrielle et technologique. À cette vision standard des historiens a correspondu un discours sociologique sur l’entrée toute récente dans une modernité enfin « réflexive ». Souvent basées sur une temporalité binaire « avant » vs « maintenant », ces thèses sociologiques ont, elles aussi, contribué à occulter la réflexivité environnementale des sociétés du passé, et notamment de la société française d’après guerre.

Certes, la modernisation de la France sous les Trente Glorieuses s’est faite à toute vitesse et sans provoquer de contestation majeure et généralisée. Mais l’idée de progrès qui la sous-tendait n’a pas pour autant été acceptée et partagée par tous, à toutes les échelles où la technique devait transformer le social. Bien des distanciations critiques ou artistiques sonnèrent la « complainte du progrès » et bien des controverses et contestations ont marqué cette période, facilitant ainsi la montée en généralité d’une critique plus massive après 1968.

Ce colloque entend faire émerger un nouveau regard historiographique sur les décennies d’après guerre en portant un regard plus distancié sur les milieux et imaginaires modernisateurs, et une attention plus
grande aux critiques du « progrès » et aux alertes et luttes environnementales avant 1968. L’hypothèse qui guide ces journées est donc la suivante : la société française n’est pas entrée dans la modernisation et
la société de consommation les yeux fermés, ni sous l’emprise consensuelle d’un modernisme frénétique, mais traversée de controverses, de luttes et d’inquiétudes, autant de dispositions critiques qu’entreprirent de gouverner les dirigeants.

Entrée libre.

Organisateurs
Christophe Bonneuil, Céline Pessis et Sezin Topçu

Comité scientifique
S. Boudia, F. Charvolin, C. Delporte, S. Frioux, F. Jarrige, D. Pestre

Date
  • le lundi 12 septembre 2011  de 9h  à 18h
Contacts

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