Ethnographie des subjectivités

Maison Suger - salle de réunion  -  16-18, rue Suger  -  75005 Paris
L’organisation des ces journées suivra une orientation thématique permettant de développer la question de l’accès aux subjectivités, celle de l’écriture des subjectivités et celle de l’engagement. La dernière demi-journée invitera à un débat questionnant le face-à-face méthodologique et théorique objectivité-subjectivité dans les approches et l’écriture ethnographiques.
Ces journées entendent s’inscrire et prolonger une démarche réflexive déjà ouverte au sein de l’IRIS par un petit groupe de jeunes chercheurs et de chercheurs plus aguerris. Les débats auxquels cette manifestation donneront lieu permettront d'engager un projet de publication autour du même objet : l’ethnographie des subjectivités.
Cette manifestation bénéficie du soutien de l'EHESS et de l'IRIS (Institut de recherche interdisciplinaire sur les enjeux sociaux,UMR 8156 EHESS-CNRS, U997 Inserm, UP13).
Les théories classiques de l'anthropologie ont souvent fait écran à une approche anthropologique approfondie des rapports sociaux en tant qu'ils impliquent des personnes dotées d'une subjectivité et sont perçues comme telles par chacune des autres personnes avec lesquelles elles interagissent. La pratique de l’ethnographie met en relation des personnes singulières dont la subjectivité est intrinsèque aux informations qu’elles s’échangent.
A contrepied d’une extraction des données ethnographiques du contexte de leur énonciation et de la biographie des individus, nous voudrions montrer en quoi l’expérience de terrain peut saisir et comprendre les subjectivités qu’elle sollicite. Celles des personnes classées d’emblée comme objets d’étude, et dont il faudra évaluer les conditions d’accessibilité, et celles des ethnographes en tant qu’elles sont révélées par l'enquête elle-même.
Le terrain met en présence et en mouvement une grande complexité de points de vue, d'émotions et d’attitudes. Les connaissances qu’elle exhume ne sont, à l'évidence, pas réductibles à des corpus dont les sujets (les ethnographes et leurs interlocuteurs) ne seraient que les faire valoir plus ou moins conscients. Les acteurs sont saisis par des sentiments, ils développent des raisonnements, ils s'appuient sur des expériences qu'il ne suffit pas de fondre dans un grand tout (la culture, la société, etc.) pour en montrer les logiques. L'épreuve ethnographique, en tant qu’expérience humaine totale, est elle-même source de savoirs portés par les personnes qui s’y impliquent, et ce au-delà ou en-deçà, des informations qu’elles font circuler entre elles.
Au fil des communications et des débats, il s'agira, durant ces journées d’étude, de mettre au premier plan, dans toute sa complexité, l'acteur social en tant que sujet singulier, sans le réduire à n'être que l'expression contingente d'une réalité sociologique qui lui serait extérieure.
Cette rencontre invite donc à s’interroger sur cet espace intime de l’action, de l’énonciation, de l’émotion, que nous appelons très approximativement «subjectivité», et sur son implication dans nos recherches.
Nous prêterons une attention soutenue aux expressions de soi qui s'écartent des normes collectives énoncées, sinon suivies, en général dans des moments très ritualisés de la vie sociale. Les volitions, idées, affects propres à l'individu - que Durkheim vouait à l'instabilité et à la fugacité par opposition à la stabilité des «représentations collectives» - seront la visée centrale de nos questionnements. La subjectivité ne sera pour autant pensée ni comme une entité autonome, ni, non plus, comme le lieu d'accomplissement ou le support visible, d'une logique sociale qui la dépasserait totalement pour la confiner dans des tâches d'exécution.
Afin de cerner et d'évaluer les fonctions passives ou actives des subjectivités au sein des espaces sociaux qu'elles produisent, il convient de les décrire au fil même des interactions où elles se trouvent impliquées. Il faut alors interroger plus particulièrement les conditions d'interlocution, c'est à dire tout ce qui pèse sur la circulation des paroles, qu'il s'agisse de la mise en scène de soi, de la reconduction d'expressions usées ou de l'improvisation de formes langagières au creux même de l'échange verbal, sans occulter les malentendus et les incertitudes qui sont les moteurs même de la communication.
En appelant à la mise en place d’une anthropologie descriptive et narrative qui n'élude pas l’explicitation des conditions de sa propre fabrique, nous voudrions aussi insister sur le travail d'écriture que nécessite d'une telle réorientation de nos pratiques de recherche.
Il est certain, en effet, que pour rendre compte de la place de l'intersubjectivité dans l'intelligence des rapports sociaux doivent être sollicitées de façon particulièrement aigüe les ressources du langage écrit. L'usage du «je» ou du «nous», le retour sur l'expérience d'enquête en tant qu'elle bouleverse nos codes et l'autodéfinition de notre «tempérament», la succession des identifications et contretransferts ouverts par le sentiment d'altérité, interpellent, au moment de la rédaction, nos capacités à restituer par l'écrit ce qui a bien pu se passer. L'exigence de réflexivité dans, et par l'écriture, invite l'anthropologie à questionner les apports de la littérature dans ce domaine.
La prise d'initiative qu'est l'écriture nous conduira aussi à nous interroger sur ces moments de bascule où le chercheur lie sa démarche à ses propres choix éthiques, esthétiques et politiques, à ses engagements au sens large. Si le jeu ethnographique consiste à susciter chez nos interlocuteurs ce minimum d'empathie qui sert de vecteur à toute énonciation, il ne serait pas juste d'exonérer cette interaction de celle que le terrain exerce en retour sur les chercheurs puisque c'est leur propre subjectivité qui s'investit aussi dans le processus de connaissance.
On voudrait, par ces journées d’étude, faire connaître et mettre en débat un ensemble de recherches qui depuis une dizaine d'années mobilisent la thématique des subjectivités au sein de la pratique de terrain et d'écriture en anthropologie. Sont ainsi invitées à être confrontées les expériences scientifiques de jeunes chercheurs et de chercheurs plus aguerris ayant ouvert la voie à des investigations ne laissant pas au bord du chemin les sujets connaissants.

Comité organisateur
● Alban Bensa Directeur d'études à l'EHESS, IRIS
bensa @ ehess . fr
● Marieke Blondet docteure en anthropologie, Iris –
Université d'Ottago
cookiedo @ hotmail . fr
● Mickaële Lantin doctorante à l'Iris
mickaelle . lantin @ wanadoo . fr
● Estelle Girard, valorisation de la recherche à l'Iris
estelle.Girard@ehess.fr, 01 49 54 24 30
Date
  • du mercredi 6 avril 2011 à 09h au  jeudi 7 avril 2011 à 20h
Contacts
  • Lantin Mallet Mickaële (mlantin@ehess.fr)
    IRIS (EHESS)
    191-198, avenue de France
    75013 Paris
  • Blondet Marieke (cookiedo@hotmail.fr)
    IRIS (EHESS)
    191-198, avenue de France
    75013 Paris
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