La grande fécondité herméneutique de la voûte de la chapelle Sixtine, peinte par Michel-Ange entre 1508 et 1512, fait de cet objet théorique une puissante machine à produire du sens. Le commentaire, infiniment relancé et même rompu au problème théologique des sens multiples, n’épuise pas la polysémie de ce système décoratif peuplé de vivantes figures, surtout lorsque celui-ci est relié aux autres fresques de la chapelle. Les réponses apportées par la critique furent variées jusqu’à la contradiction, à tel point que l’on pourrait peut-être dire : plus on étudie la voûte de la chapelle Sixtine, plus son mystère semble se dérober…Nombreuses subsistent les difficultés d’interprétation auxquelles on se heurte lorsque l’on prend pour objet d’étude ce qui est considéré communément comme un chef-d’œuvre de l’art occidental.
L’élément fondamental dans lequel baignent et respirent ces fresques – la pratique liturgique ou la méditation théologique – réclame une modification des catégories habituelles de l’histoire de l’art, au profit d’une anthropologie du visuel (dans la voie tracée entre autres par les travaux de Hans Belting, de Georges Didi-Huberman, de W. J. T. Mitchell et par l’ouvrage récent de Giovanni Careri La torpeur des Ancêtres).Ce parti pris méthodologique, qui implique un élargissement de l’horizon épistémologique que s’assigne d’ordinaire l’histoire de l’art, est susceptible de mettre au jour une pensée figurative et de préserver une attention particulière à la singularité de l’objet étudié. Ce dernier doit être replacé dans une histoire longue où la culture de l’imago demeure présente et dans laquelle la visualité ne peut se penser que comme un fait social total. Telle est l’une des hypothèses à l’origine de ces Journées d’études : la voûte et de manière plus générale la chapelle Sixtine fonctionneraient comme le lieu d’une mise à l’épreuve du discours de l’histoire de l’art. Ainsi se pose la question : pour un Michel-Ange, combien de Sixtines ?
9h00 : Introduction par Abslem Azraibi (EHESS), Bertrand Madeline (EHESS) et Florian Métral (Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne).
9h30 : Gwladys Le Cuff (Université Paris 4 Paris-Sorbonne), "Le projet du diagramme. Retour sur les interprétations joachimistes et franciscaines de la chapelle Sixtine."
10h : Florian Métral (Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne), "Les histoires de la Genèse comme vision mosaïque."
10h30 : Discussion, suivie d’une pause
11h30 : Charles Robertson (Oxford Brookes University), "New Patterns of Reception and Invention: the Ceiling of the Sistine Chapel in the Context of Print and Printed Images."12h30 : Discussion, suivie d’un déjeuner
Présidence de séance : Philippe Morel (Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne)
14h30 : Isabelle Bouvrande (Université François-Rabelais Tours), "Des criocrânes à la voûte de la Sixtine : un ornement remarquable oublié de l’invention michelangelesque."15h30 : Discussion, suivie d’une pause
16h30 : Abslem Azraibi (École des Hautes Études en Sciences Sociales), "Les Ignudi de la chapelle Sixtine : une approche réticulaire."17h : Elena Lazzarini (Università degli Studi di Pisa), "Gli Ignudi della Sistina tra storiografia e rappresentazione. Dal XVI secolo ad oggi."
9h30 : Lizzie Boubli (Chargée de recherche CNRS, ITEM/ENS), "Dessin et non finito après le Jugement Dernier de Michel-Ange : l’espérance de la grâce et du salut."
10h : Bertrand Madeline (École des Hautes Études en Sciences Sociales), "Une Sixtine en mouvement."
10h30 : Discussion, suivie d’une pause
11h30 : James Hall (Chercheur indépendant), "Suffering, Self-Loathing, and Mood Swings on the Sistine Ceiling: Michelangelo and Dante’s Vanni Fucci."12h : Giorgio Fichera (École des Hautes Études en Sciences Sociales), "« Con grandissima fatica di corpo » : autoportrait, déformation de soi et conception du corps dans les poèmes de Michel-Ange."
14h30 : Maria Ruvoldt (Fordham University, New York), "«Without Any Help Whatever» : Michelangelo’s Revisionist History of the Sistine Ceiling."
15h30 : Discussion, suivie d’une pause
16h30 : Alessandro Brodini (Università Iuav di Venezia), "«E allora io cercai le Sibille». Gabriele d’Annunzio e la Cappella Sistina."17h30 : Discussion, suivie de Remarques conclusives par Giovanni Careri (École des Hautes Études en Sciences Sociales)