Colloque international organisé par le LADYSS (CNRS/Univ. Paris 1, 7, 8, 10)
et le CRAL (CNRS/EHESS),
avec l'appui du CNRS, du Labex CAP, de l' EHESS et du ministère de l'Écologie, du Développement durable et de l'Énergie.
1er et 2 octobre 2015, à Paris
Justification et objectif du colloque
Aujourd'hui, la question environnementale s'avère centrale aussi bien dans les discours politiques, les travaux scientifiques que dans le vécu ordinaire. Malgré cette présence et la diversité des approches selon les acteurs, les échelles, les situations…, la façon dont les politiques publiques abordent l'environnement reste largement empreinte d'une volonté de maîtrise, en mettant l'accent sur des dimensions gestionnaires.
Plusieurs exemples ou notions largement utilisées à l'échelle internationale illustrent cette réalité : capital naturel, systèmes de compensation carbone (à une échelle globale) ou encore les grilles d'évaluation normative auxquelles sont soumis les écoquartiers ou les Agendas 21 (à une échelle locale)… Autre exemple, la notion de « services écosystémiques », née de la rencontre de l'économie et de l'écologie, constitue aujourd'hui l'expression conceptuelle centrale des politiques d'évaluation des apports de la nature, tant écologiques que culturels, de la nature. Malheureusement, cette expression est interprétée de manière réductrice puisqu'elle tend à soumettre les processus socio-écosystémiques à une logique comptable aboutissant à une conception purement gestionnaire de l'environnement.
Face à cette instrumentalisation de l'environnement, afin d'accompagner les évolutions contemporaines et d'enrichir les propositions alternatives qui émergent dans nos sociétés, le présent colloque se propose d'instruire l'expression « forme environnementale » à la charnière des Sciences Humaines et Sociales et des Sciences de la Vie et de la Terre.
Par « formes » nous entendons toute cristallisation momentanée (événement) ou perdurante (entité) d'une proposition de sens et/ou de vie organisée. Les formes ainsi conçues prennent corps à travers plusieurs processus : la création, la réception (perception et appréciation), l'interprétation. Par « formes environnementales », nous comprenons donc les formes relatives à la problématique de l'environnement et à la production d'un environnement ordinaire.
Bien que le terme de forme soit communément utilisé et scientifiquement discuté, sa mise en perspective contemporaine dans le cadre des problématiques environnementales pourrait élargir le débat interdisciplinaire et permettre de dépasser les apories nées d'une sous-estimation des potentialités des Sciences Humaines et Sociales face aux enjeux environnementaux. De même, les Sciences de la Vie et de la Terre pourraient bénéficier d'une multiplicité de regards sur les formes biologiques et physico-chimiques.
L'objectif de ce colloque est, à partir des formes environnementales (par exemple, la Terre, le nature writing, le paysage, le jardin urbain, etc.) de proposer d'autres connaissances, modes d'évaluation et d'action, que ceux mobilisés majoritairement par l'action publique en matière d'environnement. Il s'agit de rapprocher les réflexions sur la culture et celles sur l'environnement, tout en respectant les diversités présentes en chacune d'entre elles.
Dans le cadre de l'esthétique environnementale, mais aussi plus largement des approches socio-environnementales (humanités environnementales), la question de la création et celle de la réception ont été longuement renseignées. Cependant, on a eu tendance à opposer les deux, la création étant conçue comme activité et la réception comme passivité. En effet, la vision du « public » est souvent orientée dans ce sens : un passif récepteur d'une production (artistique, architecturale, urbaine, technique…). C'est aussi cette vision qui est prégnante dans le monde de l'évaluation et, plus largement, de l'action relative à l'environnement. Face à cette manière de penser les processus d'émergence de « formes », il importe d'insister sur le fait que le processus réceptif est lui aussi un processus actif et donc créateur ou recréateur. En effet, toute réception est aussi interprétation, et toute interprétation est, par le sens qu'elle attribue, production. De manière plus fondamentale, la forme n'est ni seulement un objet/événement, ni seulement une création ou une interprétation de celui-ci par un sujet, elle est le système formé par l'interaction des trois pôles – celui des producteurs, celui des objets/événements, et celui des récepteurs/interprètes – un système donc qui intègre une multiplicité d'acteurs/producteurs et de savoirs. Les formes sont donc ainsi, non seulement la source ou le résultat, mais bien la cristallisation d'un processus de médiations et mises en dialogues possibles entre différents systèmes d'interprétation de l'environnement habité, de ses agents et de ses acteurs. Elles sont des productions collectives, communes et « négociées ».
Dans le cadre de ce colloque, nous souhaiterions donc explorer l'hypothèse selon laquelle le « public » est tout autant producteur de formes que les autres acteurs parties prenantes des « territoires », que ces derniers soient urbains, naturels, péri-urbains, ruraux… Ce positionnement nous permet d'éviter les découpages habituels, issus d'une entrée par les acteurs et producteurs des formes, leurs systèmes de pensée, les connaissances mobilisées, etc. La volonté de ce colloque est au contraire de faire dialoguer, par le truchement des formes, la multiplicité des discours et des acteurs et de chercher à cerner où se situe la coproduction environnementale ordinaire.
Ces formes relatives à la question environnementale correspondent à des échelles, des types d'action et des types d'acteurs/producteurs multiples. Les types d'action vont de la narration (des récits habitants, par exemple) à la production d'un cadre de vie (dans le cadre d'un projet d'aménagement, par exemple) en passant par la production d'événements. Les types d'acteurs/producteurs vont des habitants individuels aux pouvoirs publics en passant par les associations de taille, de structuration et de statut divers. Les échelles d'actions vont de celles micro-locale (souvent rattachée à la figure habitante) à celle globale/planétaire.
Thèmes
Quatre thèmes structureront le déroulement du colloque :
(1) Formes en question : théories, épistémologies et politiques
La notion de forme, ancienne et plurielle, ouvre sur la possibilité d'une approche croisée entre les Sciences de la Vie et de la Terre et les Sciences Humaines et Sociales. Ayant une fonction opératoire dans les sciences de la vie tout autant que dans les sciences sociales et humaines, la notion de « forme » est un principe d'intelligibilité de la vie naturelle tout autant que de la vie culturelle. La notion de « forme de vie », notamment, est centrale dans la compréhension de l'écologie et de la morphogenèse des modes d'organisation de la vie biologique tout autant que des communautés humaines. Entre conformation extérieure et essence interne, principe de stabilité et modèle dynamique, structure et genèse, empreinte exogène et autopoïèse, il s'agira d'explorer le caractère multidimensionnel de la notion de forme, comprise comme concept de base de toute réflexion sur la vie.
(2) Formes émergentes en période de transition : expériences et évaluations
Il s'agit d'aborder une diversité de formes émergentes dans la période contemporaine, produit des politiques environnementales œuvrant sur le territoire ou/et des pratiques de la vie ordinaire inscrites dans les territoires du quotidien.
Des réflexions sur les formes relatives au jardinage, exemple d'une mise en forme de l'environnement, sont attendues dans l'optique d'un enrichissement des approches culturelles. Ces formes peuvent concerner différentes échelles : jardin planétaire, jardin collectif, trames vertes et bleues, jardin urbain, jardin individuel…, et correspondre à des préoccupations diverses : enjeux du foncier, libre échange de semences, autonomie alimentaire... De même, les communications portant sur les formes paysagères, et, notamment, sur les productions partagées de paysages, par des réflexions croisant visions environnementales (par exemple, sur la biodiversité) et réflexions culturelles et sociales (sur la question identitaire, par exemple), trouveront leur place. La Terre, forme exemplaire du global, pourra être traitée dans le cadre de productions artistiques ou d'interrogations portant sur les politiques environnementales (ex. changement climatique).
(3) Formes narratives et récits environnementaux
Il s'agit d'aborder les récits environnementaux, aussi bien ceux des habitants que ceux issus de l'action publique, des recherches du monde scientifique ou encore du monde de l'art.
Les récits environnementaux constituent une mise en forme de nos actions à l'égard de l'environnement. Variés, ils ouvrent des voies diverses de compréhension de la transition écologique : récits de la vie ordinaire liés à la représentation de la nature, métarécit gouvernant une pensée du changement climatique, fiction documentaire œuvrant pour représenter ou dénoncer les transformations environnementales et l'inertie des politiques à l'échelle globale et locale.
(4) L'esthétique, levier d'une critique politique ?
Il s'agit d'aborder, sur un plan théorique et empirique, les rapports entre esthétique, sensible, forme(s) et politique.
Les formes de mobilisation sociale à l'égard de l'environnement, les résistances et réappropriations sont le fait de collectifs organisés en défense d'un projet d'aménagement, mais aussi des actions œuvrant pour l'amélioration du cadre de vie, ou dans un souci politique. Outre les formes esthétiques et sensibles ordinaires, ces mobilisations peuvent aussi être accompagnées par des artistes, designers, paysagistes… offrant la possibilité d'un autre regard sur ce cadre de vie. Les mobilisations sociales sont le produit d'une mise en forme collective en réponse à des situations environnementales.
Objectifs du colloque en termes de public et de modalités d'échange
Ce colloque aimerait créer un espace d'échange entre différentes approches et différents métiers intervenant sur l'espace (chercheurs, associatifs, artistes, praticiens, décisionnaires…). Il s'agit de réunir un public d'intervenants et de participants d'horizons divers : des scientifiques qui travaillent dans le champ des humanités environnementales, et, plus spécifiquement, de la culture et l'art, des scientifiques travaillant dans le champ des Sciences de la Vie et de la Terre, des artistes, des designers, des concepteurs spatiaux, des acteurs opérationnels, des associations, des acteur politiques…
Les modalités d'intervention au cours du colloque sont variées. Nous souhaiterions recevoir des propositions d'interventions pour des présentations courtes en français ou en anglais.
Une sélection d'articles sera publiée à l'issue des présentations orales. Le comité d'organisation se réserve la possibilité de faire appel à des propositions autres.
Comment répondre à l'appel à communications ?
Les propositions de communications sont à adresser avant le 15 janvier 2015 à l'adresse suivante : desformespourvivrelenvironnem(at)gmail(dot)com
Format de la proposition de communication : entre 3 000 et 4 000 signes (en français ou en anglais)
Informations à préciser : Titre, Nom(s), prénom(s) du ou des auteurs (le nom de l'auteur correspondant devra être souligné) ; rattachement institutionnel s'il y a lieu, avec adresse postale, téléphone, adresse mail.
Calendrier
15 octobre 2014 : Lancement de l'appel à communications
15 janvier 2015 : Date limite d'envoi des résumés. Clôture de l'appel à communications
15 mai 2015 : Résultats de l'appel à communications, information des propositions d'intervention retenues et non retenues
1er et 2 octobre 2015 : Tenue du colloque
15 octobre 2015 : Appel à articles en vue d'une publication collective
15 février 2016 : Clôture de l'appel à articles
15 avril 2016 : Sélection des articles en vue d'une publication collective (ouvrage ou revue)
Lieux du colloque
Le colloque international « Des formes pour vivre l'environnement. Théorie, expérience, esthétique et critique politique », aura lieu les 1er et 2 octobre 2015, à l'EHESS, à Paris.
Comité scientifique
Nathalie Blanc (géographie - LADYSS)
Patrick Degeorges (MEDDE)
Sandrine Depeau (psychologie environnementale - ESO)
Rainer Kazig (géographie - CRESSON)
Olivier Labussière (géographie - PACTE)
Agnès Levitte (design - CRAL)
Théa Manola (architecture/urbanisme - LADYSS)
Suzanne Paquet (histoire de l'art - CRI/Université de Montréal)
Antony Pecqueux (sociologie - CRESSON)
Hervé Regnauld (géographie - COSTEL)
Aleksandar Rankovic (écologie - BIOEMCO)
Jean-Marie Schaeffer (philosophie - CRAL)
Anne Tüscher (architecture/philosophie - LAVUE/Gerphau)
Anne Volvey (géographie - Discontinuités)
Cheng Xiangzhan (esthétique - Shandong University)
Comité d'organisation
Nathalie Blanc (géographie, LADYSS)
Agnès Levitte (design, CRAL)
Théa Manola (architecture/urbanisme, LADYSS)
Jean-Marie Schaeffer (philosophie, CRAL)
Anne Tüscher (architecture/philosophie, LAVUE-Gerphau)