Parmi les tendances caractéristiques du capitalisme contemporain, les sciences sociales mettent souvent en avant d'une part les transformations de la relation salariale vers davantage de flexibilité, d'intermittence et d'incertitude quant à ses frontières et ses statuts et, d'autre part, la montée en puissance d'une production immatérielle ou cognitive et d'un travail plus « créatif ». L'objectif de cette journée d'études est d'interroger les travaux théoriques ou empiriques qui voient dans ces deux tendances le fondement d'une recomposition des classes sociales, en particulier à travers l'émergence de nouvelles géométries sociales centrées autour de la figure d'un travailleur intellectuel précaire.
Les sciences sociales ont mis en avant l'ambivalence de cette transformation de la relation salariale en soulignant d'un côté l'autonomie qu'elle peut engendrer jusqu'à en faire parfois un principe de renouvellement et de libération du travail et, d'un autre côté, la précarisation qu'implique le relâchement du lien entre travailleurs et employeurs sur lequel s'étaient historiquement fondées les protections salariales.
Par ailleurs, le capitalisme contemporain semble se caractériser par un déplacement vers des fondements cognitifs, immatériels ou créatifs. Ce pronostic ancien, repérable dans la littérature managériale et sociologique dans les années 1960 aux Etats-Unis, connaît une recrudescence dans les années 2000 sous différentes variantes : autour de notions de « travail créatif » ou
d'« industries créatives », de « société de la connaissance », de « travail immatériel » et de
« capitalisme cognitif ».
Comment ces profonds changements de l'emploi et du capitalisme affectent-ils la structure sociale ? Luc Boltanski et Eve Chiapello ont décrit, dans Le Nouvel esprit du capitalisme, la manière dont « la représentation de la société comme ensemble de classes sociales » avait été fortement remise en cause par un « travail de dé-représentation des classes sociales » à partir des années 1980, au profit de représentations de la société comme convergent vers une classe moyenne très englobante, ou comme une myriade d'individus désormais trop singuliers pour être agrégés sous forme de classes. A rebours des théories de la fin des classes sociales, on peut s'interroger sur leur reconfiguration ou sur l'émergence de nouvelles classes sociales. Ainsi a-t-on avancé l'idée qu'adviendraient une « classe créative », des « intellos précaires » ou encore un « cognitariat »…
10h : Buffet Petit déjeuner
Accueil et introduction (Mathieu Grégoire et Cyprien Tasset)
Matinée
(10h30-12h30) :
Introduction et animation de la séance : Dominique Méda, Université Paris Dauphine
Intervenants (20 minutes par intervention) :
- Mathieu Grégoire, Université de Picardie : Les professions intellectuelles et le salariat : éléments de sociologie historique
- Rosalind Gill, King's College London : De nouvelles classes sociales
émergent-elles à partir du travail créatif ?
- Guy Standing, University of Bath : The precariat
Débat avec la salle
- Déjeuner libre (12h30 – 14h) -
Après-midi (14h-17h) :
Intervenants (20 minutes par intervention) :
- Elsa Vivant, Université de Marne-la-Vallée : derrière la ville créative, la ville des précaires ?
- Antonella Corsani, Université Paris 1: Expérimentations dans les marges du salariat
- Patrick Cingolani, Université Paris Ouest Nanterre : Précariat intellectuel : d'un nouveau style d'ascétisme dans le monde ?
- Thomas Amossé, Centre d'Etudes de l'Emploi, et Cyprien Tasset,
EHESS : Apports empiriques d'une recherche sur la précarité dans les professions intellectuelles en France
Débat avec la salle
16h30 : Conclusion de Luc Boltanski, EHESS. Accroissement des inégalités, effacement des classes sociales ?
Institutions organisatrices :
Attention ! La capacité de la salle étant limitée, merci de s'inscrire préalablement auprès des organisateurs en écrivant à :
Thomas Amossé : thomas.amosse@cee-recherche.fr
Mathieu Grégoire : mathieu.gregoire@u-picardie.fr