Journée d’étude, le 29 novembre 2008
INHA, 2 rue Vivienne, 75002 Paris, Salle Nicolas-Claude Fabri de Pereisc
Coordination : Corneliu Dragomirescu (EHESS), avec la collaboration scientifique de Marie Bouhaïk-Gironès (NWO-Universiteit van Amsterdam)
Comité scientifique : Jean-Claude Schmitt (EHESS) ; Darwin Smith (CNRS)
Dans une société qui n’attribue pas au théâtre un lieu fixe de manifestation, contrairement à d’autres époques, au Moyen Age celui-ci a tendance à occuper temporairement une variété d’espaces, et en même temps à infiltrer des activités humaines diverses, à travers des formes diverses de ritualisation et de théâtralisation. Mais cela ne veut nullement dire qu’au Moyen Age le théâtre perd ses spécificités et se dissout dans d’autres occupations et actions sociales ; ainsi son étude permet de le replacer dans la longue histoire des formes théâtrales, commencée dès l’aube de la société humaine. Pour l’époque médiévale, le spectacle théâtral se place surtout dans un cadre plus large, qui est aujourd’hui au centre des préoccupations de nombreux médiévistes, celui de la performance, soit-elle d’une œuvre de fiction, ou bien d’une pratique sociale, politique, ou religieuse.
Ainsi, au XVe siècle, époque d’apogée des créations théâtrales médiévales, l’individu, au long d’une vie, rencontre et est capable de reconnaître le théâtre dans diverses situations, liées à ses formes successives d’existence : création d’un texte, transmission par le jeu, réception du spectacle, fixation dans le livre et retransmission par la lecture. L’homme peut ainsi occuper dans cette chaîne le rôle de commanditaire, créateur, acteur, spectateur ou lecteur. Il faut tenir compte aussi du fait que la place de l’individu dans la hiérarchie sociale, son rôle social pour ainsi dire, déterminera aussi son rôle dans les successions des vies de l’œuvre théâtrale. Mais le théâtre est toujours une œuvre collective, aussi bien dans son élaboration que dans sa réception. Ainsi peut-on parler d’un individu social qui n’est jamais seul face au théâtre, qui agit dans et avec une collectivité, une communauté. Ainsi chaque situation est sous-tendue par des tensions qui apparaissent entre les aspirations individuelles et la position assignée à chacun par la société.
En prenant comme angle d’approche la rencontre de l’homme médiéval avec le théâtre, nous nous proposons d’explorer ces diverses situations, ainsi que les rapports et les tensions qui naissent à travers les cas particuliers, au long d’une journée d’étude qui regroupera des spécialistes du théâtre médiéval français pour illuminer à travers leurs travaux les volets de ce panorama qu’on a tenté de dresser. Ce sera aussi l’occasion d’esquisser un bilan de l’évolution historiographique du sujet, ainsi que de mettre en lumière son actuel renouvellement. Il s’agira ainsi de voir l’approche des sources constituées non seulement par les manuscrits des textes de pièces, mais aussi par les archives des villes et des communautés, qui posent également le problème des conditions matérielles de la création du spectacle théâtral.
Ce renouveau venu de l’intérieur de la communauté des médiévistes doit être conjugué avec ce qui se constitue comme un moment de synthèse et de repositionnement des études théâtrales. En rassemblant des médiévistes provenant de plusieurs universités françaises, du CNRS mais aussi des universités étrangères, nous nous proposons de rendre visibles ces travaux dans le cadre de l’EHESS, avec la forte croyance que le domaine du théâtre médiéval offre aux historiens, historiens de l’art et littéraires un vaste et riche champ de recherche, posant des problématiques qui mériteraient d’être plus souvent croisées avec des sujets issus d’autres domaines d’études. Montrer la place du théâtre dans la société médiévale en général mais aussi faire ressortir les problèmes spécifiques du sujet, c’est le but que cette rencontre se propose d’atteindre. Au delà de tous les aspects pris en compte se précise en définitive la même question fondamentale : qu’est-ce que le théâtre au Moyen Age ? Entre la problématique générale du spectacle vivant et les aspects particuliers issus de la réalité médiévale, le tableau qui se dessine est complexe et loin des traditionnelles certitudes généralisatrices. Sans prétendre donner des réponses définitives à toutes les questions, la rencontre que nous proposons a pour objectif de ressembler et mettre en lumière quelques unes des approches les plus novatrices de ces dernières années, à un moment où se dessine un important changement historiographique et méthodologique dans les champs des études sur le théâtre et la performance.
Programme
9 h Introduction. Corneliu Dragomirescu (EHESS) & Marie Bouhaïk-Gironès (NWO-Universiteit van Amsterdam)
Session 1
- 9h30 – Darwin Smith (CNRS-LAMOP), Arnoul Gréban et ‘l'expérience théâtrale’
- 10h10 – Florine Stankiewicz (Ecole des chartes), Pierre Gringore, ou le difficile métier de dramaturge au XVIe siècle
10h50 Pause
- 11h10 – Véronique Dominguez (Université de Nantes), Du Precieeres aux Prologues : réflexion sur les responsables du texte dramatique médiéval – XIIIe-XVIe siècles
- 11h50 – Yann Dahhaoui (Université de Genève / Université de Paris 1), L’évêque des Innocents comme ‘drame liturgique’ ? Bilan historiographique et nouvelles perspectives
12h30 Déjeuner
Session 2
- 14h – Gabriella Parussa (Université de Paris 3), Le théâtre des femmes au Moyen Age : écriture, rôles, jeu et organisation matérielle
- 14h40 – Rose-Marie Ferré (Université de Paris IV-Sorbonne), Pour une lecture théâtrale du Livre du Cuer d’Amours espris de René d’Anjou : texte, image et réception
- 15h20 – Robert L. A. Clark (Kansas State University), Pamela Sheingorn (City, University of New York), ‘Ces mots icy verrez juer’: la présence performative dans le manuscrit de la Passion d’Arras
16h Pause
- 16h20-17h45 – Table ronde : de l’étude des genres à l’histoire des pratiques (coordonnée par Marie Bouhaïk-Gironès, avec Estelle Doudet, Jelle Koopmans, Katell Lavéant, Matthieu Bonicel)
18h – Conclusions, Jean-Claude Schmitt